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Cannes 2025: Jour 2 - Des coyotes, des envies de suicide, des violences policière du pain au miel, un désert et une IA

  • Tom Belarbi
  • 16 mai
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 23 heures

Le réveil a été on ne peut plus compliqué ce matin, et ce genre de chose ne va clairement pas aller en s’arrangeant. Mais la fatigue a beau poindre le bout de son nez, il y a de très très belles choses qui m’attendent pour ce second jour de festival, avec notamment 2 de mes plus grosses attentes de cette 78e édition, qui s’avère clairement pleine de surprises.



On se met d’abord pour moi en jambes avec le premier film de la sélection officielle de la quinzaine des cinéastes (en enlevant le film d’ouverture que j’ai dû malencontreusement rater), La mort n’existe pas, quatrième long-métrage du canadien Félix Dufour-Laperrière, et troisième en animation, cette relecture d’Alice aux pays des merveilles ne sera clairement pas sans décourager les spectateurs les moins préparés à ce qui s’avère être autant une déambulation onirique, faisant vivre l’intimité de sa protagoniste, qu’un conte philosophique abordant non sans tact des sujets politiques et d’actualité particulièrement préoccupants pour la jeunesse d’aujourd’hui. Les dessins, pas sans rappeler le style d’un Charles Buns, donnent à voir une direction artistique particulièrement inventive et soignée, malgré un manque de budget parfois un peu criant semblant forcer le metteur en scène à des effets un plus cheap. Nonobstant, passé une narration ne prenant pas tant par la main le spectateur, cette plongée dans la psychée d’une terroriste s’avère particulièrement folle, et bien que certains passages puissent paraître un peu plus gratuits, le film pose des questionnement forts, sans laisser quiconque indifférent.


Une symbolique pas très subtile mais diablement efficace
Une symbolique pas très subtile mais diablement efficace

Mais niveau radicalité, le prochain candidat est à un niveau peut-être encore plus élevé, quoique légèrement moins dans une démarche philosophique que purement esthétique. Sound of falling n’était en tout cas clairement pas attendu dans une telle sélection, après un premier film passé inaperçu en France, la réalisatrice, Mascha Schilinski, dépasse donc la frontière de l’Allemagne par la grande porte, dans le plus grand festival de cinéma international. Et clairement, on ne peut pas dire que la metteuse en scène n’y va pas avec le dos de la cuillère : entre une narration volontairement floue, labyrinthique et non-chronologique, une mise en scène se pliant à un désir constant d’épate, mêlant symbolique sur-signifiante et effets de style plus ou moins envahissants et pour certains, sûrement un peu gonflants. Il en reste qu’en bout de course, le film tire son épingle du jeu en terme de radicalité, à la fois car il sait récompenser le spectateur au fur et à mesure que cette fresque perde en confusion, mais aussi car il est d’une inventivité formelle hors-normes. Même si le film manque d’humilité dans l’utilisation de cesdits effets de style, il reste d’une étonnante pudeur envers ses personnages, abordant pourtant des thèmes incroyablement sombres sans pour autant jouer la carte du « toujours plus » à la manière d’un La Jeune Femme à l’aiguille (bien que ce dernier assumait son aspect « horreur »). Et dès lors, cette passation générationnel du morbide prend une dimension particulièrement prenante, bien que toujours rebutante, abordant d’un point de vue neuf autant des sujets sociaux rudes que ses contextes historiques, bien que peu explicites en premier lieu.


Des plans beaux comme des tableaux
Des plans beaux comme des tableaux

Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des police, se voit chargée d’une nouvelle enquête au sujet d’une potentielle bavure policière en plein mouvement gilet jaune, et bien vite, l’enquête somme toute banale, devient un terreau de plus en plus vif face aux frictions entre les forces de l’ordre et l’ordre public. C’est un peu le résumé qu’on pourrait faire de ce Dossier 137, nouvelle réalisation de Dominik Moll, qui si il n’a pas perdu son manque de subtilité qui pouvait lui faire défaut, la distille dans un faux polar mais un réel thriller politique et social rejouant le paradoxe de la tolérance entre différents groupes d’individus incapables de communiquer en pleine « insurrection » gilets jaunes. Si le réalisateur prendra parti durant le film, il réussit à apporter à son récit de vraies nuances, par son personnage principal, interprété avec brio (de nouveau) par Léa Drucker, déliant la parole colérique, hypocrite ou victimaire d’une société dysfonctionnelle. Le film joue, un peu comme Deux procureurs, sur son décor bureaucratique, et joue merveilleusement avec le montage pour, en tout simplicité, faire ressortir limpidement l’état d’esprit des personnages. Si le film se veut dès lors, très simple, voire grand public, il en oublie cependant pour moi un peu trop l’image, et malgré un montage bien senti, se voit parfois freiné par des effets bien moins réussit ou un découpage simplement plus hasardeux. Cependant Dominik Moll garde un grand atout dans sa manche, son humour, sa manière de créer un décalage, du rire jaune, et par ce biais une incarnation de son propos sans jamais basculer dans la comédie, mais pour au contraire, faire ressortir l’urgence de ses thématiques.


Sortie le 19 Novembre 2025



"est-ce que je deviendrai pas trop de gauche par hasard..."
"est-ce que je deviendrai pas trop de gauche par hasard..."

Voilà maintenant un projet aussi doux que singulier, le retour derrière la caméra du cinéaste Allemand Fatih Akin, sur un scénario de son professeur de cinéma, léguant son projet à « son meilleur élève ». A part le pour moi très poussif Reinghold, je suis peu familier du cinéma du réalisateur, mais me réjouit de me retrouver cette fois du côté positif dans le ressenti tant ce film, aussi humble que simple, a pourtant réussit à me marquer. On y suit le jeune Nanning, enfant de l’île Allemande d’Amrum, alors que la seconde guerre mondiale est à ses derniers instants, le jeune homme va s’engager dans une quête pour redonner le goût de vivre à sa mère, dont vous pourrez subtilement distinguer le bord politique. Le film est comme dit plus haut, simple, c’est un teen movie avec une structure classique, allant d’un point A à un point B, mais le faisant avec une grande rigueur, voire un romanesque dans les images qui offre par moment un côté presque spectaculaire à un scénario sur le papier pas plus fourni qu’un épisode de Dora l’exploratrice. Même si tout ça reste assez gentillet, Amrum a le bon goût de nous faire voir la fin de la guerre sous un œil nouveau, moins caricatural et plus sensible, bien aidé par des relations fortes entre chaque personnage, et un paysage globalement époustouflant qui donne un joli souffle à ce qui est, à quelques détails près, un conte familial.

Très réceptif à cette promo centrée sur Diane Kruger alors qu'elle fait 10 minutes à l'écran à tout péter
Très réceptif à cette promo centrée sur Diane Kruger alors qu'elle fait 10 minutes à l'écran à tout péter

Y’a des films qui laissent des intuitions sur leur qualité, parce qu’on attend pas un metteur en scène, talentueux, mais sur le papier pas assez, pour offrir un des plus gros électrochoc de ce début de compétition. Sirât, c’est un très grand film qui se déjoue autant des conventions d’écriture classique, que petit à petit, de ses propres influences et normes esthétiques pour un voyage passant du road movie contemplatif au survival introspectif, se révélant de plus en plus âpre, dense et implacable pour ses personnages. Ici, on y suit l’évolution de ce père, à la recherche de sa fille disparue dans le désert marocain, et qui offre à Sergi Lopez, sans hésité, son meilleur rôle. Voilà en tout cas une œuvre précieuse et rare, un film qui tire en longueur ses séquences, quitte à offrir plusieurs baisse de régimes, mais qui rattrape constamment son spectateur, autant par poésie qu’angoisse, au détour de sa bande-son électro, au diapason de ses personnages marginaux que le long-métrage décortique avec pourtant une grande humanité. Entre Beau travail pour son décor et ses scènes de danse tripantes et un peu de Pacifiction, ou d'Antonioni, pour son histoire prétexte à une odyssée vertigineuse, qui défie tout ressenti temporel, en plus d’être un orgasme visuel (puis avec ces scènes de danse qui rajoutent au côté « trip », on peut dire qu’on l’a finalement eu, la suite de Mektoub my love).


Sortie le 3 Septembre.



Voyage au bout de la tech'
Voyage au bout de la tech'

On finit cette grosse journée sur Dalloway, première incursion des Séances de Minuit, avec la nouvelle réalisation de Yann Gozlan, un peu avant son déjà casé « Gourou » avec Pierre Niney, qui on l’espère lui permettra de renouer avec une certaine décence esthétique. Anyway, Dalloway c’est le nom d’une IA utilisée par Clarisse, jouée par Cécile de France, romancière soumise à la page blanche et cherchant coûte que coûte un moyen d’écrire de nouveau efficacement. Ce moyen, cette IA semble le lui apporter jusqu’à ce que son comportement prenne une tournure de plus en plus intrusive, quitte à faire plonger la protagoniste dans la paranoïa. Et on peu dire que le petit Yann a comme à son habitude bien étudié les films et metteurs en scène qui se sont déjà penché sur la question du thriller psychologique, car encore plus que dans Visions, l’heure est aux citations plus ou moins pompières, aux gros effets d’écriture et de style qui semblent désuets depuis 30 ans (au moins), un récit encore plus éparpillé que Visions qui était déjà assez problématique en la matière, et qui in fine, ne raconte rien. Rien sur l’IA, rien sur son rapport à la création, rien sur la paranoïa, à part des représentations datées et risibles (la « planque » du hacker à deux doigts d’un plagiat de Sous la Seine) malgré, comme d’habitude avec Gozlan, un vrai savoir-faire technique mais qui ici tourne plus à vide que jamais, malgré une Cécile de France impliquée. Disons que dans le genre, on est pour moi à mille lieux d’un Les Linceuls, qui arrivait à aborder son sujet avec un minimum de singularité et d’intelligence, et je ne parle même pas d’un La Bête et d’autres films du genre, bien au-dessus de cette série B pas vraiment au point, pompeuse et pompière.

L'égo du réal devant les critiques du film
L'égo du réal devant les critiques du film

Demain, gros programme, un Singapour Project, des boutons d'acné, l'Arc de Triomphe, la COVID (car j'adore quand ça sonne moche), du co-voiturage et des triades.

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