FIFIB JOUR 2 : PALESTINE 36, SAMUEL ET PLUS ENCORE
- Tom Belarbi
- 9 oct.
- 6 min de lecture

Au programme notamment de second jour du FIFIB 2025 le nouveau Joachim Larrieu
QUE LE FESTIVAL COMMENCE !!!
Le festival commence véritablement à partir d’aujourd’hui, avec ses pépites courts-métrages, ses avants-premières événements, sans oublier les rencontres avec des invités d’exception.
La journée commence avec un programme déployé depuis quelques années au sein de la sélection : la séance comett, regroupant un ou deux courts-métrages coups de coeur de l’organisme, projetés puis suivis d’un débat d’analyse d’image.
Les deux films présentés furent « Rien d’important » de François Robic puis « Comment savoir ? » de Joachim Larrieu, que j’avais lui déjà vu et adoré lors de l’édition 2024 du FIFIB.
ENTRE SURPRISE ET DECEPTION
Une sorte de comédie romantique au style amateur, cachant pourtant une force d’écriture ravageuse, en terme de comédie, puis, dans sa dernière séquence exceptionnelle, en terme de mélancolie.
Mon avis n’a pas changé, si ce n’est que sans dévoiler le poteau rose, c’est encore plus grisant de voir l’IA détournée de cette manière, d’une façon aussi hilarante, sans perdre une once de réflexion bienvenue, de la part du collectif « J’ai grandi ici », qui font des films sans pognon, mais avec passion et imagination.

Comment savoir ? De Joachim Larrieu
Rien d’important a en revanche été une déception, car si le projet est sur le papier, très fort, son exécution n’aura pas su m’emporter.
On suit deux jours dans la vie d’une jeune adulte, qui plus que d’accompagner sa meilleure amie ramasser les poubelles, va tenter de sociabiliser et dépasser son manque irrépressible d’attention.
Le problème étant que la relation peine à fonctionner tant les dialogues sont écrits, et décrivent plus qu’on ne montre, un état d’esprit décortiqué sans que cela n’apporte réellement grand-chose.
Une scène à table, à un apéro improvisé dit plus en quelques plans que de longues tirades introspectives ou une ultime scène, sur le papier déchirante, mais assez mal amenée et n’apportant en fin de compte pas grand-chose qu’une dose de mélodrame. Difficile de nier la sensibilité et joliesse du projet, mais son exécution ne m’aura pas convaincu, trop tiraillée entre des moments de vie et d’espiègleries simples et efficaces, et une recherche de profondeur moins tenue.

Rien d'important de François Robic
Cette séance aura en tout cas mis en avant l’intérêt de Comett, mettant à disposition à des enseignants (et bientôt des étudiants) une sélection d’œuvres et de documents inédits de production, allant des feuilles de service aux lieux de tournage sans oublier des interviews de cinéastes et techniciens. Une initiative importante et à soutenir, d’autant que chaque mois, un film est mis en avant gratuitement, pour les curieux comme passionnés.
HONNEUR A ANNEMARIE JACIR
Place ensuite à une projection spéciale, du premier film d’une des invitées d’honneur de cette sélection 2025 : Le Sel De La Mer d’Annemarie Jacir (diffusé dans un somptueux 35mm pellicule), cinéaste palestinienne confrontant depuis plusieurs années son pays à la géopolitique mondiale. Sorte de road trip kafkaïen, ce premier long est aujourd’hui d’une brûlante actualité, tant son point de vue sur les checkpoints, la discrimination passive-agressive et le terrain pourri sur lequel s’est construit la société israélienne se ressent.
Le film commence par une longue scène de fouille où la protagoniste, Soraya, subit une multitudes de questions et de contrôles qui feraient passer l’administration Trump pour des petits joueurs. A partir de là, la cinéaste ne va pas arrêter de confronter son personnage à une société du contrôle, où l’identité des uns influe sur les autres, forçant Soraya à changer, sans que l’on sache jamais réellement où s’arrête la simulation et où ressort la réalité.
Néanmoins le film, de quasi deux heures, peine à entièrement emporter son spectateur dans un flot d’images parfois prises sur le vif, et qui donne l’impression de visionner un vlog semi-narratif. Ce n’est pas tant ce côté « voyage » qui peine à fonctionner, mais les conversations plus scriptées, certains effets d’écriture et arcs narratifs qui font bien plus artificiels, amoindrissant l’atmosphère hypnotique de l’ensemble.
Un premier essai en revanche ambitieux, sur le plan technique et narratif, qui au-delà de sa pertinence politique, s’avère aussi incroyablement touchant dans le portrait que la réalisatrice fait d’un pays en conflit perpétuel, où le besoin de démerde et de reconnaissance peut finir par corrompre comme accroître ses convictions les plus pures.

Sel de Mer d'Annemarie Jacir
Vient maintenant un plus gros morceau, en première française, toujours d’Annemarie Jacir : Palestine 36, un véritable blockbuster historique retraçant les débuts de la colonisation palestinienne, initié par l’armée britannique.
Par rapport à Le Sel De La Mer, il est clair que la cinéaste s’est un peu assagie dans sa mise en scène, beaucoup plus classique. L’ampleur du projet vient avant tout de son mode de fabrication très complexe, puisqu’un film aussi ambitieux techniquement (et même scénaristiquement) a demandé un niveau particulièrement dingue de ressources et d’abnégation de la part de l’équipe créative et technique.
Il est clair que visuellement, Palestine 36 n’a rien à envier aux grandes fresques historiques américaines, la reconstitution est minutieuse, le film, sans cherche le tape-à-l’œil constant, ne souffre jamais de son budget tout de même très restreint, et le casting en partie international (avec par exemple la présence de Jérémy Irons), est de très haute volée.
Cela reste cependant dommage qu’un film aussi fou ne soit, dans sa forme, pas à la hauteur de cette démesure, qui en dépit d’un fond particulièrement acide, osant montrer sans concessions, les horreurs perpétrées par l’armée britannique, s’embourbe dans un académisme pas désagréable, mais limitant trop souvent les coups d’éclats de mise en scène, présents dans le premier film d’Annemarie Jacir, présenté plus-tôt.
Le scénario cherche une forme chorale et chapitrée n’ayant jamais de réel aboutissement scénaristique, et cette première singularité scénaristique finit malheureusement par retomber comme un soufflet, au vu d’une conclusion trop expéditive, bien qu’ouvrant magistralement aux blessures béantes qui ont animé la Palestine pendant les décennies suivantes.
Puis encore une fois, il faut saluer le courage du long-métrage, de ne pas seulement exposer les horreurs d’un colonialisme quasi décomplexé (bref de faire un tract), mais surtout de le réaliser d’une manière aussi hargneuse, donnant des airs de tragédie à ce récit historique conté avec une passion et rage intense, qui tiennent en haleine malgré les vraies limites du long-métrage. Une proposition moins unique qu’escompté mais tout de même intense, disons qu’Oliver Laxe n’est pas le seul à savoir tout faire exploser.

Palestine 36 d'Annemarie Jacir
ET L'EVENEMENT DU JOUR EST ???
La fin de journée ne sera pas vraiment dédiée à l’une des autres projections en avant-première du programme, mais plutôt à l’Événement avec un grand E du festival : la diffusion de L’EXTRAORDINAIRE série animée Samuel d’Emilie Tronche à la Cour Mably, en séance plein-air ouverte au public.
Là où ce genre de temps fort à tendance à rameuter une petite partie des festivaliers, ici, c’était une véritable folie, avec des files d’attentes dégueulant sur plusieurs dizaines de mètres, des jauges maximales explosées en quelques instants et plusieurs centaines de spectateurs présents pour (re)découvrir l’une des séries les plus marquantes du petit écran.
Il faut dire cependant que la découverte a dû être douloureuse pour certains, étant donné le brouhaha ambiant à certains niveaux de la cour, qui pouvait gâcher la compréhension sonore de la série.
Difficile de blâmer le festival pour cet attroupement plus ou moins surprise, mais il faut dire que cela n’a pas non plus empêché la plupart des spectateurs d’apprécier voire d’adorer ce chef-d’œuvre.
Car disons les termes, si le projet peut faire sourire avec son animation simpliste, sa direction artistique minimaliste et son mode de production ultra indépendant, où tout, du dessin au doublage, est réalisé par Émilie Tronche, cette dernière a capté avec une acuité désarmante ce qu’était l’enfance.
Sans enjolivement mais avec une véritable nostalgie et recul sur cette époque bénie et lointaine, Samuel dépeint le journal intime d’un gamin de 10 ans avec ses anecdotes, ses relations d’amitié ou d’amour, bref, son quotidien d’enfant des années 2000.
Rien de plus simple et qui n’ait pas été déjà réalisé cent fois, mais ici, c’est fait avec une maestria sans pareille, une mise en scène exceptionnelle cassant toutes les limites de ce style visuel simpliste, incarné par des dialogues forts et authentiques, sans oublier une utilisation hors norme de la musique autant dans un écrin intime qu’onirique.
Si cette série a été un véritable raz-de-marée ce n’est pas pour rien, et si vous êtes adeptes des teen movies et autres films sur l’enfance, autant vous dire que Samuel est sûrement l’un des meilleur dans son domaine, toute période confondue, l’une des plus passionnante, amusante, bouleversante et juste ; à découvrir au plus vite (et gratuitement) sur Arte.
Ps : on a eu des news sur la saison 2, elle est encore en écriture mais avance bien bien qu’aucune animation n’ait encore été réellement réalisée.





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