My Father's Shadow, Once Upon A Time In Gaza, The Love That Remain, Highest 2 Lowest, Alpha: Cannes 2025: Jour 6
- Tom Belarbi
- 20 mai
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 12 heures
écrit par Tom Belarbi--Jean
On y est, le jour que j’attendais le plus de ce festival, avec la projection d’une de mes plus grosse attente cinématographique toute années confondues (rien que ça). Certains diront que je m’enflamme, et je vous laisserai en juger avec mes retours du jour, sur le tant attendu Alpha, et surtout d’autres films glanés ici et là en sélection officielle et parallèle.
Pour mes séances du matin, je commence par des films de la sélection Un Certain Regard qui me faisaient plus ou moins de l’oeil, à commencer tout d’abord par My father’s shadow, premier film du metteur en scène Nigérien Akinola Davies, suivant le parcours de deux jeunes enfant avec leur père dans un Lagos en pleine ébullition durant une lourde crise politique en 1993. Une œuvre somme toute humble, et qui pourrait facilement passer inaperçu quand bien même il s’agit d’une très belle surprise, tant le metteur en scène réussit sur 1h30, à proposer une déambulation semi-narrative visuellement impressionnante, avec un sens aiguë de la photographie et de la mise en scène, non loin de l'onirisme, véhiculé par le regard ingénu de ses protagonistes, à la manière de Moonlight (jusque dans une scène de baignade faisant clairement référence au long-métrage de Barry Jenkins) ; ce, sans laisser de côté l’empreinte sociale, à bien y réfléchir, même quasi omniprésente.

Autre séance, bien plus attendue ceci dit, pour le contexte tristement actuel, Once upon a time in Gaza, des frères Abou Nasser, film dont je préférerai ne pas trop dévoiler l’intrigue, puisqu'à la manière d'O Agente Secreto, les deux films partagent cette envie de réaliser du cinéma de genre (film policier), avant de le déconstruire en développant le contexte historique et politique, ici, de la bande de Gaza. Globalement le film me laisse une très bonne impression, autant pour la surprise narrative qu’il arrive à susciter que la vision locale d’un peuple qu’on tente d’exterminer, distillé par le destin de certains personnages. De quoi pallier au côté particulièrement classique du récit à prime abord, bien que les deux metteurs en scène n’y aillent pas avec le dos de la cuillère dans la représentation des violences et des propagandes d’état, de même qu’avec sa classique intrigue de deals de drogues, qui prend une tournure bien plus intéressante qu’à l’accoutumée, par son développement et son contexte, qu’on sent autant imprégné de réalité que de fiction.

Place maintenant à un film qui est autant une attente qu’une curiosité ; The Love that Remain de l’islandais Hlynur Pálmason, qui avait impressionné la populace avec son dantesque Godland, et qui revient cette fois avec une œuvre proprement singulière, une fresque familiale sans réelle délimitation temporelle, couvrant diverses saisons, entre les professions des parents que les activités des enfants, sans réellement se soucier du sacro-saint scénario. Et c’est peu dire que la première impression est que le résultat peut largement frustrer, par son côté anti-narratif, mais en fin de compte, le metteur en scène parvient à un tel niveau d’inventivité visuelle qu’il arrive à simplement accrocher par la beauté de sa mise en scène. Ce, tout en développant les liens entre cette famille décomposée, leur quotidien entrelacée comme dans une fresque Malickienne (l’évangélisme en moins) où la nature est reine, et où émerveillement et absurdes ne sont jamais bien loin.

A la sortie du film, j’avais un gros dilemme, aller voir, avec ma réservation, un film de la semaine de la critique, ou tenter la queue du Spike Lee, qui ne compte qu’une très faible poignée de séances, 3, dont deux accessibles au public. L’attente aura valu le coup, car je suis rentré, et après une attente démultipliée par l’excitation, l’heure est à la surprise, avec une palme d’or d’honneur complètement inattendue offerte à Denzel Washington, protagoniste de ce remake d’Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa. Le film, pas loin d’être catastrophique, confirme cependant que l’ami Spike devrait vraiment arrêter d’essayer de remaker les grandes œuvres asiatiques, car c’est peu dire que le résultat est décevant tant il paraît très très mal se dépatouiller avec le scénario originel, réadapté dans les grandes lignes, mais sans le quart du virtuose qu’on concède sans mal à Kurosawa. Le premier tiers en est même particulièrement désagréable, tant tout se traîne, avec une mise en scène rigide au possible, des personnages démultipliés mais à peine effleurés et un contexte nouveau sur l’industrie musicale, au final pas plus développée que celle des chaussures dans High and low premier du nom, qui était lui un pur prétexte. Heureusement le film révèle de vraies bonnes idées par la suite, et surtout à proposer une mise en scène réellement énergique, mais tant par petites touches qu’on en sort pas spécialement rassasié, surtout au vu de la photo complètement lisse et impersonnelle. Au moins Denzel fait du Washington, le charisme de cet acteur n’est plus à prouver, et le talent dans le montage de Spike Lee non plus, mais tout ça ne suffit pas à contenter un scénario faible, donnant des question à se poser quand à l’intérêt d’un tel remake, et qui n’arrive même pas à proposer l’ambiance urbaine hip-hop, rap, ou autre, tant la musique (digne d'une banque de son haut rabais), vient constamment se placer sur l’action, même pas pour surligner l’émotion mais comme pour combler un vide qui n’existe même pas. Bref très déçu par cette très faible entrée pour l’ami Spike, sortie prévue le 5 septembre sur Apple.tv, et je crois que c’est mieux comme ça.

Avec le retard qu’à pris ma séance précédente, j’embarque sans plus tarder dans la salle Debussy pour découvrir avec toute l’impatience du monde le fameux Alpha de Julia Ducournau, cinéaste ayant largement contribué à bousculer le cinéma de genre français, bien que pouvant cette fois-ci le reléguer au second plan, par rapport aux propositions plus frontales qu’étaient ses précédentes œuvres. Le film raconte le quotidien tourmenté d’Alpha, jeune fille de 13 ans, dans un monde touché par un mystérieux virus, c’est en revenant avec un tatouage que son monde s’écroule. Les premiers retours vous aiguilleront peut-être sur l’appréciation du film par rapport aux festivaliers : ça divise, et je dirai même que ce Alpha, est pour l’instant sans l’ombre d’un doute le film le plus clivant du festival, une proposition incroyablement avant-gardiste, souffrant malgré tout de son trop-plein d’ambitions, mais qui conserve selon moi le grand atout de Titane (déjà décrié pour aller dans tous les sens), son intranquillité constante, son imprévisibilité aussi, et surtout, son atmosphère envoûtante qui ne m’a jamais lâché. La réalisatrice maîtrise toujours à la perfection le mélange d’images et de musique pour accompagner et renforcer l’étouffement de certaines scènes, mais plus le temps passe, plus « l’ersatz de Cronenberg » devient une réalisatrice amoureuse de ses personnages, pour qui elle accorde une grande tendresse, et malgré un récit opaque, une apogée tragique et particulièrement émouvante. Personnellement, même si je suis d’accord que le film est en tant que tel décevant, par rapport à la fadeur vu précédemment (grâce à l'ami Spike Lee), je préfère applaudir les énormes prises de risques, autant que les ratages, car elles ont été pour moi le vecteur principal d’une expérience hors normes, pour une réalisatrice tentant toujours plus de se renouveler, et qui propose un nouveau puzzle mental comme on en voit trop peu en France et dans le cinéma du monde.

Au programme aujourd’hui : de l’alcoolisme, une femme de ménage, un nazi en fuite et une autrice italienne.
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