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Thibault Jeanroy

« C'était Un Rendez-Vous, à Montmartre » : Darius Robin ressuscite un quartier bohème avec un personnage génial d'absurdité

Dernière mise à jour : 20 juin


Darius Robin tient le rôle principal dans son nouveau film


Après le diptyque Les Hasards (De La Vie) et Alphonse et Lola, deux films sur les relations hommes femmes mises à l'échec, se déroulant à Châteauroux (ville natale du réalisateur). Darius Robin pose pour la première fois sa caméra à Paris. Une des villes les plus cinématographiques du monde.

Elle a été filmée par les plus grands metteurs en scène comme Woody Allen, Richard Linklater, François Truffaut, Jean-Luc Godard ou encore Claude Lelouch et bien d'autres encore. On retrouve d'ailleurs chez certains de ces auteurs, le cinéma qui a influencé les débuts de Robin.


Mais cette fois-ci, il a souhaité laisser de côté ses influences et ses plus grandes idoles pour faire un cinéma à son image, et ça fonctionne !


Un film drôle qui ressuscite la beauté de Paris.

Darius au cœur du quartier des artistes dans C'était Un Rendez-Vous, à Montmartre


C’était Un Rendez-Vous à Montmartre est une proposition novatrice à la fois dans le cinéma que Darius Robin a initié depuis quelques années maintenant, et dans notre paysage cinématographique.

Bien que cette fois il s'est bien plus affranchi des auteurs qu'il affectionne, on y retrouve au détour de quelques plans, l’amour que le jeune réalisateur porte à un cinéma plus marqué dans le passé que dans l'époque actuelle, mais on peut compter sur lui pour ne pas qu'avoir un regard nostalgique sur cette époque.

« Montmartre en ce temps là »

chantonne t'il en se baladant dans les rues voisines du sacré cœur. D'ailleurs en parlant de chansons, il n'hésite pas à évoquer les plus grandes voix de la chanson française comme Charles Aznavour et Edith Piaf qui sont pour lui parmi les fantômes de Montmartre.


Robin nous aurait-il donné rendez-vous avec les mémoires de ces artistes qu'on regrette tant ?


Ce n'est pas complètement le cas. Après tout, son cinéma repose énormément sur le hasard.


En pleine année 2024 donc, Darius Robin retourne à ce Paris bohème. Ce Paris qui faisait tant rêver autrefois, dans le Minuit à Paris de Woody Allen par exemple, sorti il y a 14 ans maintenant ; ou encore le Paris qui servait de décor aux longues discussions d’Ethan Hawke et Julie Delpy dans Before Sunset de Richard Linklater sorti 3 ans après le film de Allen.


Vous l’aurez compris, Darius Robin ressuscite une atmosphère parisienne éteinte depuis plus d’une décennie maintenant. Bien entendu ce ne sont pas les seuls bons éléments à retenir.


Alors que son court-métrage est disponible sur YouTube depuis dimanche, après une présentation à son public Castelroussin, je me suis entretenu avec lui pour en savoir un peu plus sur la direction prise avec ce nouveau film, très différent de ses précédents.



L'ENTRETIEN :


Q.1 /Il s’agit de ton deuxième court-métrage et tu as fait ton premier long-métrage il y a plus d’un an déjà, tu penses avoir trouvé le rythme qui te convient sur ta façon de faire des films ?

Question intéressante ! D'un film à un autre, j'essaie de me réinventer. La notion de rythme n'est jamais la même. Mon dernier film s'appelait «Alphonse Et Lola», c'était un diptyque de mon premier long métrage. Celui-ci était un drame. Forcément tout ce qui entoure la rythmique d'un drame ne va pas être la même que celle d'une comédie (même si ce nouveau film n'est pas vraiment une comédie, nous y reviendrons...) Je ne sais pas si j'ai trouvé le rythme exact pour mes autres films, parce que je vais m'attaquer à d'autres genres cinématographiques. Je ne veux pas me limiter. J'aimerais retrouver une atmosphère dans mes films, plus qu'un rythme à part entière. Par exemple, le montage de «C'était un rendez-vous, à Montmartre» est différent de celui d'«Alphonse et Lola». Julien Gouri est le monteur du film (et aussi le chef opérateur), il avait déjà monté «Alphonse» à mes côtés. En séance de montage, c'était très différent de ce que nous avons fait auparavant, on s'en est rendu compte assez rapidement. Avec «Montmartre» ce qui me séduisait, c'était de faire l'antithèse de ce que j'avais réalisé jusqu'à maintenant. Le rythme est justement plus rapide, les plans sont saccadés, j'avais envie de quelque chose de beaucoup plus boulimique et énergique pour correspondre à mon personnage. Dans mes films, le montage et le rythme sont à l'image de mes personnages.

Q.2 /C'est ton premier film qui ne se déroule pas à Châteauroux depuis tes débuts, comment s'est passé ce changement de lieu ? Et qu'est-ce que ça représente pour toi ? Et d’ailleurs pourquoi Montmartre ?

Pourquoi Montmartre ? Eh bien, tout de suite en écrivant, j'ai pensé à ce lieu ! Le film est dédié à ce quartier. Le cinéma a toujours été mon moyen d'expression. Je suis arrivé dans cette nouvelle ville qu'est la capitale (je viens d'une province), et j'avais très envie de filmer Paris. C'est une ville que j'ai tout de suite pris en amour. Ce quartier représente une partie de mes références cinématographiques. C'est un film qui parle de moi, c'est une espèce d'auto-critique, le personnage me ressemble...Le jeune homme du film représente Montmartre en soi. En tous cas, c'était ma façon de représenter le lieu. J'intellectualise peut-être trop, mais j'aime ce parti pris. Le personnage n'a pas de nom pour cette raison, il se mélange quasiment au décor ; j'aime ça ! Pour mon style vestimentaire, j'ai voulu opter pour quelque chose qui ressemble à la couleur du film. En somme, je voulais vraiment un rapport entre cette ville, ce quartier, et moi.

Q.3 /Le film possède énormément de plans sur tout le quartier de Montmartre, on comprend donc que tu as voulu lui rendre hommage, et cela devient concret un peu plus tard quand tu énumères certains noms d’artistes. Que représente Montmartre pour toi, et quelles étaient tes intentions en mettant ce quartier en avant ?

En effet, très juste, Paris est une ville que j'adore. Il est vrai qu'il y a une certaine image collée à la capitale. Vu que mes personnages sont souvent des gens qui sont d'une certaine classe sociale, l'image de Paris est assez intéressante. Mes personnages sont aussi très rêveurs et romantiques. Paris, c'est cette ville qui donne tout de suite une vision romantique de ce que l'on parle. Le parisien, ou celui qui habite une grande ville, m'intéresse. Ce film en est une certaine critique d'ailleurs.

Q.4 /C’est la première fois que tu tiens le rôle principal d’un de tes films sans que personne ne t’accompagne à l’écran (hormis quelques apparitions), pourquoi cette volonté de réaliser et d’être complètement présent à l’écran pour la première fois dans un lieu qui n’est pas Châteauroux ?

Parce que j'ai écrit ce film pour moi en sachant que j'étais le seul à pouvoir l'interpréter, sachant aussi que je veux dorénavant être comédien dans mes propres films. Et pour tout dire, dans «les Hasards (de la vie)», j'ai l'intime conviction que je devais jouer le rôle principal. C'est un regret. Après le diptyque, j'ai eu très tôt l'envie de jouer. Je sais que j'écris pour moi, que je serai le meilleur pour correspondre au mieux à mes intentions de mise en scène. D'ailleurs, la plupart de mes modèles sont des artistes qui se sont mis en scène eux-mêmes. Si je suis seul à l'écran pendant une bonne partie du film, c'est aussi parce qu'il est axé sur l'auto-dérision, donc c'était assez logique que je sois le rôle principal. Puis, ça m'a paru automatique à l'écriture. C'était même évident pour tout le monde, il n'y a pas eu de discussions autour de ça avec mon équipe. Cependant, ça reste un personnage inventé de toute pièce. Heureusement que je ne suis pas comme ça au quotidien. Mais j'avais vraiment envie de jouer ce rôle où je me moque gentiment de moi-même !

Darius Robin seul avec ses pensées au sein de Montmartre


Q. 5/D'où t'est venu l’idée de parler à la caméra et donc de briser le quatrième mur ?

La narration désarticulée est quelque chose qui m'intéresse, briser le quatrième mur aussi. Le prochain que j'ai écrit est dans cette veine là. Travailler la narration sous toutes formes permet aussi de se renouveler. J'ai découvert Godard très tôt, il brisait le quatrième mur sans cesse, ça m'a fasciné. Puis j'ai vu beaucoup d'autres films, j'ai découvert des cinéastes incroyables et j'adore cette façon différente de raconter des histoires. Woody Allen, qui est mon cinéaste fétiche, joue beaucoup là-dessus aussi. Donc j'aime la narration complètement bousculée. Je souhaite que le spectateur se perde dans un de mes films. J'aime le déstabiliser, l'amener là ou il ne veut pas être. Je trouve ça bien plus enivrant. Je revendique cet effet de mise en scène qui revient à chaque fois.

Q. 6/C’est aussi la première fois qu’il n’y a aucune présence féminine dans un de tes films, même si ton personnage en évoque une, c’était ton choix initial ou cela n’avait tout simplement pas d’utilité ici ?

C'est un film qui parle de la solitude, d'où le fait que ce n'est pas forcément une comédie d'ailleurs. C'est totalement voulu. La vérité est que j'ai inscrit mon film comme une comédie pour perdre le public dès le départ (encore une fois). Dès qu'on commence le film, il y a une ambiance très légère, mais pour ensuite arriver à une transition qui va changer le ton du film. C'est une réelle intention de mise en scène. D'ailleurs la première scène que j'ai écrite était la séquence finale. J'avais donc déjà en tête toute la trajectoire du film. Il me restait à écrire le reste pour arriver à la bonne dramaturgie. Le film parle d'un rendez-vous amoureux raté, ou qui n'arrive tout simplement pas (si tant est que la fille existe, ça, je laisse le spectateur imaginer, même si j'ai ma réponse...) donc évidemment que mon personnage repousse le romantisme dans le dernier tiers de l'œuvre. Le fait qu'il jette la rose n'est pas anodin. Ce geste était improvisé sur le plateau d'ailleurs. Initialement, j'avais un texte à suivre et je m'en suis affranchi. Il y a eu cette chose que j'ai faite inconsciemment dans l'élan de jeu. Ça rendait très bien. Ce sont les heureux hasards des plateaux... Je me nourris de hasards, ça fait partie de tous mes films... mais rien n'est laissé au hasard vous remarquerez !

Q. 7/Quelle scène a t’elle été la plus amusante à tourner, et à jouer ? On note d’ailleurs que c’est ta première vraie comédie ! 

Alors c'est plutôt une fausse comédie (on y revient). C'est une comédie dramatique finalement. L'humour du film est un peu rigide et froid. Ça reste sur un ton léger disons. De toutes façons, tous mes films sont légers excepté «Alphonse et Lola». La légèreté m'intéresse, elle me fascine même. D'ailleurs, c'est une chose que j'aime aussi chez d'autres cinéastes comme Rohmer par exemple. Quant à la scène la plus amusante à tourner, il faut d'abord savoir que c'était un tournage très dur. Montmartre est un quartier touristique donc il faut se dépêcher de tourner, le temps est limité. Mais je dirais que la séquence la plus amusante à faire était celle du monologue final, ça m'a marqué à vie. Avec le texte initial, ça ne marchait pas à l'image, on l'a constaté au bout de deux prises... On en est donc arrivé à l'improvisation et je savais que l'on irait davantage dans l'émotion du personnage. C'est un avantage de jouer et de réaliser en même temps, on sait ce que l'on fait avec le personnage qu'on a écrit. En jouant, je pense aussi à moi en tant que metteur en scène...J'adore ça ! Sur le plateau, j'ai aussi demandé à mon assistant réalisateur des retours sur mon jeu. Je ne peux pas toujours être complètement objectif avec moi-même. On a quasi tout filmé dans l'ordre chronologique, ce qui est très rare au cinéma, et ça m'a beaucoup aidé pour jouer.

Q. 8/Dernièrement est sorti «Le deuxième acte» de Quentin Dupieux, ce dernier mélange «méta» et comédie, est ce que tu penses orienter ton cinéma dans cette direction ?

Oui totalement, de toute façon Dupieux est un artiste qui travaille énormément le méta, je partage son amour pour celui-ci, et j'aimerais aller sur la même lancée que celle d'un Blier qui l'a fait avant lui. Mais je pense faire des films plus longs que ceux de Dupieux.

Q. 9/Peux-tu nous parler de tes influences pour ce nouveau court-métrage ?

J'essaie de m'affranchir le plus possible de mes références (sachant que mon cinéma est déjà très référencé). Je dois faire très attention à cela. Parce que je dois parler de moi avant tout, c'est mon identité, donc si je me réfère tout le temps à d'autres, ce n'est plus vraiment un travail qui m'est propre, même si je ne suis qu'un petit metteur en scène comparé à eux. D'ailleurs, je ne me compare pas du tout à eux, j'essaie juste de faire un film qui me ressemble. Je restais encore beaucoup sur mes références pour mes deux précédents films (par manque d'expérience aussi), mais les choses ont évolué. Aujourd'hui, je veux éviter ça. Je voulais vraiment oublier les références sur le plateau, mise à part au niveau du jeu où l'on se rapproche d'acteurs qui me sont chers comme Jean-Pierre Leaud ou le jeu Allenien. Pour la mise en scène, j'ai essayé de m'écouter plus.

Q. 10/Il y a un court métrage de Claude Lelouch qui se prénomme «C'était un Rendez-vous», est ce que ce titre similaire était une intention ou un hasard ?

En effet, souvent, on écrit, et inconsciemment on s'inspire des plus grands. C'est mon assistant réalisateur qui m'a fait remarquer plus tard ce titre similaire, je n'y avais pas fait attention.

Q. 11/Une fois dans ton film, on comprend ton intention de nous mener en bateau, ta volonté était que l'on ressorte perplexe ou frustré du film ?

Je voulais que mon film repose totalement sur la désillusion. Cette thématique me touche. Le spectateur peut se retrouver là-dedans, parce que ce personnage nous insupporte d'une certaine manière, mais à la fin on compatit par ce qu'il traverse (on peut en sourire aussi). On aimerait pas se retrouver dans sa situation en tous cas. C'est un personnage tragique mi-attachant, mi-ennuyant. Et de toute façon, faire des personnages trop parfaits, ça n'a aucun intérêt. Un vrai humain n'est pas comme ça...

Q. 12/Quelle direction vas- tu prendre pour ton prochain film ? Et abordera-t-il des thèmes déjà vus précédemment ?

Il s'agira d'un film plus ambitieux, plus gros, davantage personnel aussi, qui abordera des thèmes assez différents (bien que sentimental encore une fois). On reste sur un ton léger dans la forme, ce sera un film sur la douceur et la tendresse d'une relation qui va se révéler être un amour impossible, je ne vais pas en dire plus. L'écriture est terminée, le script fait 25 pages.

Q. 13/Si tu devais présenter ton cinéma à une personne qui ne te connait pas encore, que lui dirais tu ? Et par lequel commencer ?

Je dirais que c'était un rendez-vous semé de hasards entre Alphonse et Lola, voilà...Je pense qu'on peut commencer par celui-là pour découvrir mon cinéma et après voir le diptyque. Ça permet de constater la progression aussi, c'est intéressant.

Q. 14/Si tu devais présenter ce film à une personne qui n’en a encore rien vu de toi et qui voudrait commencer par celui-là, que lui dirais tu ? 

Je lui dirais qu'il pourra s'y retrouver parce qu'on est tous passé par les états d'âmes du personnage.


C'était Un Rendez-Vous A Montmartre est disponible sur la chaine Youtube du cinéaste ainsi que ses autres films.


De quoi ça parle réellement ?

Un jeune garçon se rend dans le quartier emblématique de Montmartre apparemment sans but précis, puis s’adresse à la caméra pour nous exprimer son amour pour Montmartre et les plus grands artistes qui ont jadis peuplé ces lieux.


Ce jeune parisien qui nous expose sa philosophie, cache néanmoins une vérité amere.

(Voir le film) :




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