RAIMI, ENTRE LE FILM D'HORREUR GROSSIER ET LE BLOCKBUSTER FANTASTIQUE
En 1981, un certain Evil Dead déboulait sur les écrans américains, et chamboulait en grande partie le genre horrifique. Le metteur en scène Sam Raimi, alors inconnu à cette époque, faisait preuve d’un savoir-faire assez surprenant avec sa caméra et ses effets de style, avec un résultat assez convaincant.
Désireux de passer à autre chose après sa trilogie sur la mort et l'enfer, il s'est ouvert à d'autres genres. On peut notamment relever l'excellent et dynamique western Mort Ou Vif (1995), le thriller plus méconnu mais très efficace Un Plan Simple (1998) et les exceptionnels Intuitions (2000) et Spider Man (de 2002 à 2007). Que des productions différentes qui l'imposent comme un metteur en scène doué, sans pour autant l'éloigner complètement de son style primaire (qu'on reconnaît avec ses effets grandguignolesques, tapes à l'œil et souvent répugnants).
Néanmoins, s'il est resté près de 20 ans sans toucher au cinéma de genre qui lui est propre, on peut toutefois identifier ses gimmicks dans la trilogie Spider Man. (La scène de l'hôpital avec Alfred Molina dans le second opus, la séquence d'église où Peter Parker se détache du symbiote dans le troisième etc.)
Même dans quelques moments de Mort Ou Vif, sa patte s'y trouve.
Bref, Le sang et la mort ne cessent jamais d'être présents dans les films de Sam Raimi ; même quand il touche à l'univers Marvel pour Docteur Strange: In The Multivers Of Madness.
LE GRAND RETOUR A L'HORREUR
Voilà 15 ans aujourd'hui qu'est sorti Jusqu'en Enfer (Drag Me To Hell en version originale), un grand retour au cinéma qui a ouvert les portes d'Hollywood à son réalisateur.
Une proposition rafraîchissante et plus personnelle à Raimi, qui a écrit le scénario avec son frère Ivan.
Un projet moins blockbuster mais plus qualitatif qu'une grosse production sur laquelle il n'aurait pas un total contrôle.
De quoi ça parle ?
Jusqu'en Enfer porté par la performance d'Alison Loham qui donne la réplique à Justin Long (qui joue son petit ami), suit le périlleux parcours de Christine Brown, une employée de banque parfois confrontée à des situations difficiles. Elle va tenter à tout prix de se déposséder de la malédiction que lui a jeté une vieille gitane (Lorna Raver) à qui elle a volontairement refusé une aide.
Ce mauvais sort va complètement bouleverser son quotidien, elle ne pourra compter que sur le soutien de son petit ami Clay.
Un retour en enfer vraiment réussi
Dès les premières minutes, les enfers se déchainent par le sol d'une grande demeure et prennent la vie d'un jeune garçon, le tout accompagné par la superbe bande originale de Christopher Young (déjà derrière celle de Spider Man 3).
Pas de doute, s'attaquer à des productions de l'envergure d'un Marvel a changer Sam Raimi.
Sa caméra cherche à impressionner, les effets sont multipliés, tout est plus grand et inspiré.
L'ère Evil Dead est de retour avec une technique beaucoup plus recherchée.
On ressent l'envie d'amuser autant que d'effrayer, d'aller au plus répugnant quitte à être dans l'exagération. Sam Raimi ne songe pas ses premiers succès, il y revient avec un bagage qui lui permet d'être encore plus créatif et de faire plaisir à ses premiers spectateurs et même à la nouvelle génération, toujours à la recherche de sensations fortes.
La scène où Christine est attaquée dans sa voiture par la gitane est un enchaînement jubilatoire de trouvailles grotesques. C'est à la fois la scène la plus importante, puisque à partir de là Christine sera possédée par la malédiction, mais aussi celle dans laquelle on ressent tout l'amour que Raimi porte à l'horreur et aux effets spéciaux à l'ancienne. Parce que oui, si à l'époque Evil Dead ou même Darkman plaisaient, c'était surtout pour leurs effets spéciaux cartonnesques.
En voyant tout ce qu'on retrouve des précédents films de Raimi ici, on serait tenté de dire qu'il s'agit de son meilleur film. Une œuvre qui contient tout son savoir faire et dans laquelle il va toujours plus loin (la séquence du cimetière s'inscrit dans les meilleures scènes de son cinéma), allant même jusqu'à rabattre les cartes dans les derniers instants. Chose qu'il n'avait jamais faite avant.
Si auparavant il se contentait de fins ouvertes où pas plus négatives qu'elle ne doivent l'êtres, Jusqu'en Enfer se montre imprévisible quand on s'y attend le moins pour nous laisser bouche bée au moment du générique de fin. C'est même son plus gros atout. Astucieux, vraiment astucieux.
La femme au premier plan
On constate que la seconde fois que Sam Raimi met la femme au premier plan, après Intuitions 9 ans plutôt qui confrontait Cate Blanchett au surnaturel, c'est Alison Loham qui doit se débattre avec l'autre monde.
Mais rien de bien surprenant, Raimi aime placer des femmes en première ligne pour les amener à se battre avec le danger. C'est ce qui faisait tout l'enjeu de sa trilogie Spider-Man, avec Kirsten Dusnt dans la peau Mary-Jane Watson le love interest compliquée de Peter Parker tiraillé entre la possibilité de laisser une chance à leur histoire, où la laisser en dehors de ses activités dangereuses.
Même chose pour la tante du héros, May joué par Rosemary Harris. Elle aussi mêlé contre son gré aux affaires de son neveu.
On repense aussi au triste sort réservé à la petite amie d'Ash Williams dans le premier Evil Dead, mais aussi à l'héroïne badass joué par Sharon Stone dans Mort Ou Vif , qui tenait tête à Gene Hackman notamment. Vous l'avez compris ? Les femmes occupent une place bien particulière chez Sam Raimi.
Qu'en retenir ?
Un long-métrage dans lequel son auteur se retrouve, à la fois dans le genre et dans le contrôle totale des choses. 16 ans après l'Armée des Ténébres, voilà un monstrueux délire qui convoque les premiers amours de Raimi (excepté son acolyte Bruce Campbell et la tronçonneuse qui va avec) en ranimant l'horreur cartoon. Drag Me To Hell s'ajoutait à une belle liste de films d'horreurs où de suspense sortis cette année là. On se rappelle du palpitant La Dernière Maison sur La Gauche remake du film de Wes Craven et Rec 2 de Jaume Balaguero et Paco Plaza, sortis respectivement 1 mois avant et 7 mois après.
D'ailleurs une suite serait toujours d'actualité selon Alison Loham, bonne ou mauvaise idée?
Dans tous les cas on invite à voir où à revoir Jusqu'en Enfer, ainsi que le sympathique Le Monde Fantastique d'Oz pour l'entreprise Disney, ainsi que son Docteur Strange qui prouve bien qu'un metteur en scène peut avoir carte blanche chez Marvel.
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