Frankenstein-Critique d'un film monstre
- Thibault Jeanroy

- il y a 1 jour
- 3 min de lecture

UN BESTIAIRE DE PERSONNAGES DÉCOUSUS ET SANS ÂMES
Frankenstein est un film franchement divertissant, porté par un casting plutôt sympathique à prime abord. Malheureusement, les acteurs se montrent, pour la plupart, peu convaincants dans leurs interprétations. Oscar Isaac est un peu lourd dans son interprétation du docteur Victor Frankenstein, pourtant supposé être un personnage complexe et ambivalent. Le comédien semble avoir quelque chose à prouver, mais s'impose avec indélicatesse.
Il joue, il fait le beau pour la caméra de Guillermo del Toro, mais malheureusement, l'acteur prend indubitablement le dessus sur le personnage. Non loin d'Oscar Isaac, Christoph Waltz paraît se reposer sur ses acquis, et Mia Goth peine à mettre en lumière le peu de profondeur de son personnage. Heureusement, Jacob Elordi vient sauver un peu ce bestiaire de personnages décousus et sans âmes. Il parvient, en effet, à rapiécer avec une certaine justesse l'un des monstres les plus cultes du cinéma, lui apportant un peu de sa lumière et de son humanité. La transformation de l'acteur est totale, et celle-ci a au moins le mérite de rendre son personnage à la fois pathétique et séduisant.
Les séquences qui montrent sa découverte du monde extérieur sont certes un peu clichés, mais elles n’en demeurent pas moins belles et poétiques.
De plus, il semble que les personnages soient déjà eux-mêmes assez clichés sur le papier, manquant gravement de crédibilité avant même d’être interprétés. Pour la plupart d’entre eux, leur évolution paraît malheureusement manquer de logique. Lorsque la conséquence de leurs actes n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe, elle n’arrive pas du tout.
UN DÉSIR D’IMPRÉVISIBILITÉ LOURD ET MALADROIT
Alors oui, l’imprévisible ne se saisit pas sans mal, et il est triste de voir que Guillermo del Toro peine désormais à le saisir sans s’en brûler les mains. Ce n’est pas que le film soit prévisible, bien au contraire. C’est plutôt qu’il souffre de cette volonté intarissable de toujours surprendre et de toujours bousculer son spectateur, mais à quel prix ? Nous ne pouvons qu’être surpris par ses incohérences narratives, mais est-ce là vraiment appréciable ? Nous pourrions justifier l’évolution illogique des personnages par un mot simple : complexité. Les personnages seraient donc, au contraire, riches, imperceptibles ?
Non, car la plupart des personnages sont abandonnés en cours de route. S’ils étaient si peu intéressants, pourquoi les présenter comme des personnages moteurs du récit ? Guillermo del Toro possède habituellement l’un des plus beaux éclats que l’on puisse retrouver dans l’œil d’un cinéaste : le sens du détail. Une subtilité cachée derrière les grandes tirades, et qui prépare doucement les spectateurs les plus aguerris à la révélation à venir. Ici, les étincelles semblent avoir un peu terni. Les révélations nous traversent plus qu’elles ne nous heurtent.
UN BRELAN D’AS ! FAUT-IL RELANCER LA MISE ?
Il est douloureux de s’en prendre ainsi à un film, et ceci d’autant plus que Frankenstein fut réalisé par un maître absolu du cinéma, j’ai nommé Guillermo del Toro. Peut-être cela nous a-t-il rendus plus exigeants... Le réalisateur nous a, en effet, habitués à des histoires plus riches et à des personnages plus profonds. Il a su, qui plus est, développer un univers artistique très reconnaissable, en particulier sur le plan esthétique. Oui, l’esthétique de Frankenstein est trop lisse, un peu trop clinquante. Oui, il manque parfois un peu de cette fantaisie et de cet onirisme qui se plaisent à nous surprendre et que l’on aime tant.
L’onirisme et le fantastique sont, en effet, deux facteurs qui prennent une place centrale dans le pays des merveilles de Guillermo del Toro. Néanmoins, son ombre sur le film demeure bien présente, avec des éléments visuels tels que la figure de l’ange rouge, qui nous renvoient immédiatement à la beauté brute de son cinéma. Alexandre Desplat nous signe, qui plus est, un thème musical encore une fois épique et mémorable. Nous pouvons également ressentir l’effort titanesque consacré à la création des décors et des costumes, un véritable as de cœur caché dans la manche de Frankenstein.
Cela ne permet pas au réalisateur de nous dévoiler un quinte flush royal, mais ce brelan d’as a le mérite de déverser quelques étoiles dans les yeux du croupier. C'est loin d’être la combinaison de l’année, mais le film a quand même un peu de quoi briller, pourvu qu’il soit vu sur grand écran.
Signé Gaspard Flory
Le film sera disponible sur Netflix le 11 Novembre
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