Météors, Aisha Can't Fly Away, Un Simple Accident (Palme d'or 2025), l'Ange de la Mort, Fuori : Cannes 2025 : Jour 7
- Tom Belarbi
- 21 mai
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours
écrit par Tom Belarbi--Jean
Deux choses inédites se sont passées pour la première fois pour ma présence sur la croisette, un, j’ai pu me coucher avant 2h du matin et ainsi bénéficier d’un sommeil de plus de 3 heures, deuxièmement, il pleut. C’est l’averse et même la mousson en même temps pour tout dire, de quoi dérégler en partie la mécanique bien huilée de certains festivaliers, notamment en terme de course entre deux séances.
Pour ma part le début de la journée sera de nouveau allouée à Un certain regard, avec le nouveau film d’Hubert Charuel et sa co-scénariste (et maintenant co-réalisatrice) Claude Le Pape, de retour tout de même plus de 8 ans après le succès Petit Paysan. On reste dans les milieux ruraux, cette fois urbain, entre trois amis pour qui la vie est affaire de petits boulots et petites combines, et de grosses fêtes, avec tout ce que ça a de pétards et d’alcool, jusqu’à ce que l’un d’entre eux se voit diagnostiqué une cirrhose. Le film vaut énormément pour la performance de ses comédiens, Salif Cissé, et surtout le duo incroyable Paul Kircher (qui confirme définitivement son talent) et Idir Azougli, dans un récit malheureusement trop écrit, au point où certains éléments narratifs viennent à la fois me sortir du réalisme du film, que me donner l’impression de voir une œuvre un peu naïve et attendue. Malgré tout, il y a une énergie particulièrement bien déployée, aidé par les comédiens, mais aussi et surtout la mise en scène du duo, à cheval entre une nervosité latente et le réalisme décrit plus tôt, qui donne le ton dès la première scène, un vol de chat dont je vous laisserai vous délecter du bordel ambiant. En outre une œuvre un poil décevante car trop classique à mon goût, mais faite avec un talent non négligeable.
Sortie le 8 octobre.

Autre entrée en UCR, cette fois avec un premier film, mais clairement pas le meilleur à mes yeux : Aisha can’t fly away de Morad Mostafa, qui signe avec ce portrait de femme dans un Somalie en pleine ébullition, la parfaite incarnation du cinéma plus gris que la vie, appuyant tellement la misère et le misérabilisme que ça en devient totalement artificiel. Dans le genre, Ayka en est l’exemple tellement ultime qu’il arrive à proposer une atmosphère réellement glauque et pesante, mais l’exemple qui revient restera surtout les Dardenne, avec ici aussi du naturalisme caméra à l’épaule bien appuyé et sans la moindre once d’originalité. Et c’est bête car il y avait matière avec un tel contexte géopolitique, mais le film se contente de s’acharner sur son héroïne, en creusant assez mal son ambiguïté morale et les différentes situations auxquels elle fait face, semblant pour ma part toujours expédiés quel qu’en soit le potentiel. Ça peut être bien réalisé, comme un cache cache avec un enfant, une fusillade en pleine rue, de simples gestes du quotidien, mais rien n’est creusé, tout est gratuit, et franchement lourd, surtout sur deux heures.
Il serait aussi urgeant de dire à Thierry Frémaux que les métaphores à base de transformation animal, ça commence à me gaver.

Après ça, dilemme, car je vois globalement qu’attendre pour le film de Scarlett Johansson est peine perdu tant ce dernier est pris d’assaut (comme le Kristen Stewart d’ailleurs), alors je m’engouffre dans une autre file, cette du nouveau Jafar Panahi, quand bien même ses longs-métrages ne m’avaient jusque-là pas tant accroché que ça. Mais miracle, Un Simple Accident s’est révélé être une phénoménale surprise, dont on nous aura, à juste titre, dit peu de choses, mais qui se révèle surtout particulièrement passionnant dans sa mise en scène. Nombreux sont les cinéastes Iraniens à s’être attaqués au régime en place, et il faut définitivement de l’inventivité pour sortir de la masse, et c’est exactement qu’arrive à faire Panahi ; sortant enfin de ses récits filmés dans le réel, avec lui-même au premier plan, Un Simple Accident assume bien plus sa tonalité de thriller tout en gardant constamment les pieds dans le réel. Presque aucun effets, à part des plans-séquences qui tirent en longueur jusqu’à donner l’impression de faire craquer ses personnage, n’hésitant pas à perdre le spectateur pour le retrouver quelques minutes plus tard, dans un récit développant magistralement les conséquences des atrocités commises par le régime irannien, dans un face-à-face terriblement maîtrisé, mais aussi nuancé, sans victimisation primaire.
Un candidat très sérieux pour la palme, tant le film semble faire l’unanimité, mais j’espère personnellement surtout un prix d’interprétation complètement mérité pour l’ensemble du casting.

Après cette excellente surprise, place à des retrouvailles plus attendues, avec le cinéaste russe et virtuose de la caméra Kirill Serebrennikov ; auquel le festival de Cannes a fait le cadeau de la sélection Cannes Première après que ce dernier ai été snobé 4 fois de suite par le jury cannois. Après Limonov, le réalisateur continue d’adapter de la littérature française, avec l’ouvrage d’Olivier Guez, retraçant la fuite de « l’ange de la mort » d’Auschwitz. Avec ce film, c’est pour Serebrennikov les retrouvailles d’une photo noire et blanche après Leto, et d’un filmage bien moins outrancier que dans ses précédentes œuvres. Pourtant si dès lors, le rythme se sent plus lent et même un peu monocorde, le metteur en scène reste d’une précision hallucinante dans sa mise en scène, où chaque plan-séquence est l’occasion de faire se dialoguer les points de vue, qui sont au coeur de ce récit de déchéance, sur la chute du nazisme dans l’inconscient collectif et l’impunité dans laquelle le fascisme continue de s’irriguer dans la société, en toute discrétion (et sur les cassettes des vidéos de vacances) ; dans une déambulation aussi mystérieuse que sombre, faisant écho aux meilleurs films noir.

Fin de journée pour les gens normaux, mais moins pour les marathoniens que nous sommes, avec un retour dans la compétition officielle pour le cinéaste Italien Mario Martone, après le très inégal Nostalgia, porté par le charisme de Pierfrancesco Favino. Sans nul doute que les talents de directeur d’acteur se ressentent aussi dans Fuori, qui permet au casting féminin particulièrement solide de sauver ce ratage du naufrage complet. Mal monté et surtout mal narré, le point de vue du cinéaste sur son écrivaine paraît constamment à côté et confus, ne se refusant à entrouvrir aucune porte, jusqu’à l’indigestion et l’incompréhension pour moi totale de ce vers où le cinéaste veut en venir ; à l’exception d’une vidéo d’archive, bien pratique pour clarifier ce qu’on a pas su expliciter par la mise en scène. Le filmage est sinon juste fade, avec des jolis plans plus proches de ceux d’une agence de voyage que d’un film, mais qui détournent l’intention d’une mise en scène plate et sans quasi la moindre idée correctement exploitée, à l’exception d’un moment d’absence, sur une gare, vers la fin. Au moins avec un tel encéphalogramme plat, pas besoin de dormir pour reposer son cerveau devant ce joli pensum qui n’a clairement rien à faire à Cannes et encore moins en compétition.

Fin de journée, demain, programme chargé, avec de la psychanalyse, des pissenlits, du sida, un triangle amoureux et une relation mère-fille.
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