Pile ou Face, Women and Child, Love On Trial, Résurrection: Cannes 2025 : Jour 9
- Tom Belarbi
- 24 mai
- 5 min de lecture
écrit par Tom Belarbi--Jean
La fin du festival amène qu’on se le dise son lot de paradoxes, on est triste de voir la fin arriver, mais aussi particulièrement excité de retrouver très prochainement un train de vie sain et normal, avec entre autre ses 7 heures de sommeil quotidiens, souvent écourtés d’au moins la moitié.
On commence cette journée par un retour en quinzaine des cinéastes, selection que j'ai volontairement laissé de côté en attendant les rattrapages nationaux, et que je me laissait constamment en plan B en cas de manque d'autres séances intéressantes. Et clairement j'ai touché du bois, parce que ce premier film dénommé Sorry, Baby m'a complètement ravagé la gueule, quand bien même le plot de son récit puisse paraître à juste titre éculé. Sauf que le traitement va à l'encontre total de toute forme de dolorismsme ou autre thèse consensuelle. Ici, il y a une envie de panser des blessures auxquelles sont confrontées les générations d'aujourd'hui, avec un talent d'écriture dément. Même si je trouve la narration chapitre un poil bancale en premier lieu, elle participe à la construction intelligente du film, au service de son personnage, avec un mélange de légèreté et de gravité totalement maîtrisé. On rit et on pleure d'un plan à l'autre, et quand je dit rire, c'est l'hilarité totale face à des dialogues parfaits, et par pleurer qu'on a la gorge serrée face à une telle dose d'humanité.
Sortie le 23 juillet

D'une heureuse surprise, j'en passe à une autre, avec Testa o corce ?, Pile ou face ? en français, mais que je préférais dénommer par sa traduction anglaise, Heads or tails ?, la faute à un élément narratif aussi surprenant que génialement amené. Pour le reste, ce western italien est visuellement spectaculaire, entièrement tourné en pellicule, le film fait preuve d'un travail d'orfèvre bluffant dans sa gestion de la lumière et de des décors, principalement naturels, pour une escapade narrativement un peu en dent de scie, mais regorgeant de passages jubilatoires. Un film épique, drôle, inattendu et fait avec amour du 7e art plus que fétichisme cinéphile, et clairement le public ne s'y est pas trompé à l’issue de la séance ; la trimballe suprême d'un certain regard ne serait clairement pas à sous estimer.

Retour maintenant au sacro saint Grand Théâtre Lumière, avec la présentation un peu plus discrète qu'à l'accoutumée du nouveau long-métrage de Saeed Roostae, petit génie du cinéma iranien à qui on devait les exceptionnels Leila et ses frères et La moi de Téhéran. Le metteur en scène continue de développer ses thématiques sur la famille, ses dysfonctionnements internes, avec ici une grande part allouée a la morale, la loi, etc. Je vous recommande de découvrir le film le plus vierge d'informations possible, mais je vous prévient, on ne ressort pas indemne de cette machine à essorer ses spectateurs, partant comme un drame familial un peu lambda, une relation conflictuelle entre une mère en plein remariage et son fils turbulent, avant de se transformer en descente aux enfers implacable, bien qu'à un certain moment un poil redondant dans sa surenchère dramatique, mais cohérente de bout en bout. La mise en scène du réalisateur est toujours aussi remarquable, pleine de tension, précise et sans fausse note, au point de nous gratifier, avec Sirât, une des scène les plus intense du festival, aussi aidée par la direction d'acteur toujours aussi magistrale, qui fait quand même parfois poser des questions sur la santé mentale des comédiens ; un peux d'interprétation, quel qu'il soit, ne serait pas usurpé.

Place maintenant à un cinéaste bien moins dans un rapport de surenchère mais qui a su marquer dernièrement à jamais mes yeux (et surtout la partie humide). Après m'être fait broyé le cœur par son Love Life, Koji Fukada est de retour, en sélection Cannes Première, avec un sujet en or, celui des Idoles, pas dans le sens star mais bien métier, ces femmes qui vendent plus que leur talent leur image, évidemment bien innocent et candide pour le bien du monde de l'entertaining. Une situation pourtant rêvée par Mai, jusqu'à ce qu'une des chanteuse brise la close "no love" du contrat. Le film est donc assez dense, et paraît même à bien des égards faire deux films en un, ce qui peut rendre le développement de certains personnages et sujets, gravitants autour d'un thème ou l'autre, frustrant. En revanche, le film est d'une grande précision dans la description de cette société du spectacle vénéneuse et froide, dont toute la fausseté devient une clé marketing quitte à broyer les individus s'y trouvant. À côté de ça, Kyoko Saitō impressionne de justesse, comme la mise en scène de Fukada, tout en justesse.
Sortie le 4 février 2026

Arrive maintenant LA séance la plus attendue de ce 78e festival de Cannes, du moins si j’en crois les attentes démesurées suscitées par l’annonce d’un nouveau projet pharaonique pour le très talentueux Bi Gàn, et qu’après de multiples problèmes de censures et de droit, Thierry Frémaux a finalement pu caser in extremis dans le programme cannois, le genre de pratique habituellement réservée aux croûtes de BHL. La projection de Resurrection restera en tout cas sûrement dans les annales du festival tant le film saura, à l’avenir, encore susciter un émerveillement similaire à celui qu’ont pu découvrir les premiers spectateurs, à qui on a clairement pas menti sur la marchandise. Si je trouve malgré tout la narration assez frustrante, car volontairement opaque, elle agit plus comme un puzzle en pleine construction qu’en exercice de style type branlette intellectuelle ; et dans sa construction, le film ne serait clairement pas sans rappeler certaines grandes œuvres de feu David Lynch, notamment sa trilogie hollywoodienne, où rêve, fiction, réalité, hommage au cinéma et psychologie des personnages se confondait. Il faudra sûrement laisser un second visionnage pour éclaircir les doutes qui persistent selon moi quand à la qualité du film, mais après une bonne nuit de réflexion, je prend volontiers le train de la hype et affirme qu’on a eu droit à un monument de cinéma avec un grand C. Mise en scène impressionnante de poésie et d’audaces visuelles, hommages fascinants aux genres et grands mouvements du 7e art, visuels époustouflants jouant sur des couleurs abrasives, des ombres, des effets de style et une caméra flottante millimétrée ; c’est peu dire que l’entreprise de Bi Gàn n’est pas sans prétention, mais je lui pardonne volontiers tant le talent est présent. Un rêve éveillé, qui a pu en partit souffrir d’une horaire de projection bâtarde (22h15 pour un film de quasi 3 heures, ouch), mais qui n’a pas amoindri un seul instant l’âme si singulière et entêtante de ce bijou, confectionné avec un soin immense, pour un envoûtement de chaque instant.

Au programme demain : une amitié en inde, de la maternité en Italie, du pouvoir en Angleterre, un vol aux Etats-Unis, une chanson pour Israël et du cul dans le Texas.
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