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Entretien avec la créatrice de contenus spécialisée dans le cinéma de genre, Aude alias Ode à l'horreur.

Photo du rédacteur: Thibault JeanroyThibault Jeanroy

Elle est notoire sur les réseaux sociaux Tik Tok et Instagram
la créatrice de contenu Aude

Les créateurs de contenus sont devenus des visages viraux des réseaux sociaux. Ceux qui parlent de cinéma, ou d'autres sujets. Comptabilisant chacun un audimat de plus en plus grandissant, ils prennent aujourd'hui autant voire plus de place que les journalistes/critiques de cinéma lors d'événements très médiatisés comme le Festival de Cannes ou la Mostra de Venise.


C'est là qu'un problème majeur a été introduit, que les créateurs de contenus

(Qu'ils parlent de cinéma ou non) rencontrent moins de difficultés pour accéder aux équipes de films que les journalistes cinéma certifiés.


Dans une tribune paru le 9 novembre sur le Monde, le syndicat Français de la Critique de Cinéma a tenu des propos protestants à l'encontre de certaines équipes de films importants qui refusent d'accorder des interviews aux critiques de cinéma. C'est une lettre ouverte initiée par le journaliste indépendant Marco Consolini qui a rapidement gagné en visibilité et à laquelle le Syndicat français a pris part.


"L'effacement de la critique par les serviteurs de la communication, des influenceurs choisis, omniprésents sur les réseaux sociaux est en marche. Parce que les grands studios préfèrent la promotion à la question "

Extrait de la tribune paru dans le Monde


Dans l'objectif de connaitre l'opinion de certains professionnels et de créateurs de contenus également concernés(où visés) par cette tribune, nous nous sommes entretenus avec Aude. Créatrice de contenus autour du cinéma de genre sur Tik-Tok depuis 2020 ainsi que sur Instagram depuis 2023. Elle comptabilise au totale 313 000 abonnées .


Celle qui a notamment pour référence Haute Tension de Alexandre Aja et Grave de Julia Ducourneau a accepté de répondre à nos questions.

Elle nous éclaire tout d'abord sur la perception qu'on se fait des créateurs de contenus, en rappelant que la plupart ne font pas ça comme métier à plein temps, elle même se dirige vers le métier d'avocate.


"majoritairement on a tous des jobs à côté, ça nous permet d'avoir une neutralité et des avis nuancés où négatifs sur les films qu'on voit en avant première, puisqu'on sait que ça nous permettra de manger à la fin du mois. Mais nos avis, mes avis sont plus nuancés que ceux des critiques professionnels qui vont détruire le film, tandis que mon opinion sera moins radical. Mais il peut arriver que je n'aime pas un film pour lequel j'ai été convié "


Tu es la référence recommandations des films d’horreur sur Instagram et TikTok comment tu ressens cette position en tant que influence sur les deux réseaux sociaux les plus populaires de la génération actuelle? Qu'est ce qui te motive à produire ce type de contenu d’ailleurs?


Ce qui me motive, la raison pour laquelle je me suis lancée, c'est que j'ai toujours énormément consommé de contenu sur le Youtube américain. Je trouve qu'ils ont un contenu beaucoup plus gros et un vrai contenu horreur. Il y a de vrais créateurs de contenus horreurs qui ont une vraie notoriété, que ce soit sur Youtube ou TikTok, et moi je regardais pas mal de vidéos de créateurs américains qui parlaient horreurs.


Et je trouvais ça très intéressant, tout en trouvant dommage que si peu de personnes parlent de cinéma d'horreur. Déjà je ne me limite pas uniquement à ce terme, je parle de cinéma de genre et il y a beaucoup à dire sur ce cinéma là. Et l'une des raisons pour lesquelles j'adore parler de cinéma de genre, c'est qu'au début je parlais beaucoup de cinéma de genre français.


Mes premières vidéos sont sur Haute Tension, Ghostland et quelques autres films français de la même lignée. Et je trouve ça dingue, qu'en France on ait un cinéma de genre aussi riche qui est autant délaissé, même si c'est pour des raisons techniques.


Puis évidemment, il y a une culture du thème à l'horreur qui est très inexistante en France, alors qu'elle est beaucoup plus avantagée ailleurs, sans compter qu'on a aussi des systèmes de financements très désavantageux pour le cinéma d'horreur avec notamment le système de préachat télé qui sanctionne totalement les films bénéficiant d'interdictions aux moins de 16 ans, parce que c'est beaucoup plus difficile à diffuser.


Et le fait qu'il y ait toute une industrie de cinéma de genre en France dont personne ne parle en français, ça m'a conduit à en parler.

Donc combler moi-même un vide, proposer du contenu inexistant, c'était ça ma motivation.


Quel est ton opinion sur le fait qu’on reproche souvent aux créateurs de contenus de prendre la place des journalistes/critiques cinéma pour les interviews où lors d'événements très médiatisés comme le Festival De Cannes où La Mostra de Venise ? 


Je peux comprendre cette critique envers les créateurs, parce que les critiques cinéma sont des gens passionnés, mais il faut savoir qu'on bosse aussi énormément nos sujets.


A la fin de la journée, moi j'ai réalisé pas mal d'interviews, comme avec Naomi Scott pour la sortie de Smile 2, et ça, c'est une interview que j'ai bossée. Donc on nous demande "si notre job est légitime, aucun qu'un journaliste", mais on fait juste un travail différent.


Mais bien, il est évident qu'un critique qui a fait des études dans ce domaine aura une plus grande connaissance que nous sur certaines choses plus techniques.


Comment en es tu arrivé à créer autour de l’horreur ? Qu'est-ce qui t’anime par rapport à ça ?

Déjà c'est ce que je consomme le plus! L'horreur, c'est ce qui m'intéresse le plus, c'est ce qui m'anime le plus. Et ensuite, au-delà que ce soit un genre très précis, j'ai envie de le défendre parce que c'est un type de cinéma jamais présent aux Oscars ou dans d'autres cérémonies (où très peu).


Et j'ai l'impression que ceux qui aiment le cinéma d'horreur et de genre sont vus comme des personnes sectaires, qui font partie d'une communauté.


Et pourtant c'est un cinéma qui, ces dernières années, présente des sujets très importants, et je vois qu'en plus certaines problématiques de la société impactent le cinéma d'horreur. Je pense notamment à Hérédité de Ari Aster ou la nouvelle version de la Malédiction qui les traitent, on a aussi des références qui les traitaient comme Massacre à la Tronçonneuse.


le film est une préquelle au film de 1976
La Malédiction l'Origine

le film de Tobe Hopper est devenu un film culte de part son aspect documentaire très réaliste
Marilyn Burns dans Massacre à la Tronçonneuse

Je prépare une vidéo à ce sujet d'ailleurs. Mais je trouve que c'est un genre qui présente beaucoup de tentatives pour approfondir ces sujets, et je suis toujours plus curieuse de voir un film de genre qui traite de sujets sociaux que des biopics ou des films historiques qui, eux, tournent autour des sujets sans rien apporter de nouveau.


Selon toi est-ce que l’horreur à encore de beaux jours devant soi? Et penses tu que les films proposés dans cette catégorie te motiveront à en parler? 


Moi, je suis arrivé à un moment, enfin c'est l'impression que j'ai en tout cas, qu'au moment où j'ai commencé à m'intéresser à l'horreur, il y avait une sorte de renouveau. À partir des années 2010, quand Ari Aster, Robert Eggers, Jordan Peele sont arrivés et dans le cinéma français aussi avec Alejandre Aja et Pascal Laugier notamment qui faisaient du cinéma de genre depuis un bout de temps, et quand j'ai vu Grave en 2016, j'ai trouvé ça tellement intéressant ; c'est un de mes films préféré, je me suis dit "si c'est la direction que prend le cinéma de genre, oui j'ai envie de m'y intéresser"


le réalisateur s'est fait beaucoup remarqué avec son premier long-métrage Hérédité en 2018
Ari Aster et Toni Collette sur le plateau de Hérédité

plutôt habitué au registre comique, le cinéaste Jordan Peele s'est fait beaucoup remarqué avec Get Out couronné de l'oscar du meilleur scénario
Jordan Peele dirige son acteur Daniel Kaluuya sur Get Out

Depuis quand as-tu cette passion pour l'horreur ?


Alors je m'y intéresse depuis très longtemps, je lis beaucoup de choses, je fais énormément de recherches à ce sujet, l'horreur c'est vraiment quelque chose qui m'attire énormément, mais je dirais qu'avec Grave il y a eu un vrai tournant. Auparavant j'en consommais parce que c'est un type de cinéma qui m'attire beaucoup, mais sans réelle envie d'en parler ni de partager mon opinion dessus.


Pense tu qu'un jour ton contenu pourrait changer, aller dans une autre direction ?


Alors j'y pense souvent, parce que forcément quand on gagne en notoriété, on se demande si on a envie de développer son contenu, d'aller vers autre chose, mais pour l'instant je reste dans la critique de films d'horreur.


Une chose est certaine, je resterai toujours dans le domaine du genre, à aucun moment je ne vais dériver vers un autre type de cinéma comme le biopic ou le drame, sauf s'il y a des éléments qui s'apparentent à du cinéma de genre comme avec Canine de Yorgos Lanthimos auquel j'avais consacré une vidéo qui a très bien fonctionné.


Avant Pauvres Créatures et The Lobster le réalisateur s'est fait remarqué avec Canine en 2009
Canine de Yorgos Lanthimos

Beaucoup m'avaient fait la remarque que ce n'était pas de l'horreur, mais ce n'est pas grave ; c'est ce genre de film que j'aime! Un film qui va me déranger, qui va me perturber, où il y a un propos, une mise en scène. Un cinéma qui tire vraiment son épingle du jeu.


Mais après réflexion, je me suis mis à la littérature de genre, donc j'ai parlé de quelques BD et de quelques romans d'horreur, mais de façon plus ponctuelle. Par exemple, si un livre est relié à un film. Donc j'essaie vraiment de me diversifier, en parlant de jeux vidéos que j'aime bien aussi (elle cite les deux opus Silent Hill )


Hormis l’horreur, quels genres de cinéma tu affectionne?


Alors les comédies musicales! J'aime beaucoup Jacques Demy, c'est un cinéma avec lequel j'ai grandi, qui est très important pour moi. Les Demoiselles de Rochefort, Peau d'âne et dans les plus récentes La La Land et quelques autres. Je sais qu'en France la comédie musicale est un genre détesté et c'est pour ça que j'ai l'impression d'être à contre-courant de tout ce que fait mon pays.


C'est par ce rôle que fût révélé Catherine Deneuve en 1970
Catherine Deneuve dans son rôle emblématique de Peau d'Ane pour Jacques

Sachant que le cinéma de genre et la comédie musicale sont les deux registres les moins présents, mais j'adore. Il y a aussi le thriller qui rentre dans le domaine du cinéma de genre sur beaucoup d'aspects.


Mais en tout cas, oui, il faut rappeler que même si on aime le cinéma de genre et qu'on en parle activement, on peut aussi aimer d'autres styles de cinéma. Le cinéma de genre a son étiquette, mais l'un n'empêche pas l'autre.


Est-ce qu'il y a d'autres cinéastes de tous les genres, que tu aimerais citer ?


Alors c'est très amusant vu l'actualité, mais quand Revenge est sorti j'espérais que Coralie Fargeat soit mise plus en lumière. Il y a des vidéos de moi de l'époque où j'en parlais déjà et pour l'anecdote, le film a été diffusé dans un ciné-club à Paris et Coralie Fargeat était là pour le présenter et au cours d'une session de questions réponses, elle nous avait parlé de son prochain film qui allait être The Substance.


avant de connaitre la lumière pour The Substance, la réalisatrice a proposé Revenge en 2017. Un film plein de tension et de potentiel qui s'est fait plus discret
Coralie Fargeat en présentation pour Revenge

Et j'avais trouvé Revenge tellement génial, que je voulais voir la voir sous le feu des projecteurs, parce que son travail mérite tellement plus de visibilité et ça a été le cas.


Dans cette même némésis, je pensais aussi à Julia Ducourneau à l'époque de Grave, mais parcours similaire puisqu'elle aussi a connu la consécration avec la Palme d'Or.


Pour citer un nom, il y a le réalisateur irlandais Damien Mc Carthy qui commence à se faire un nom grâce à un film qui a fait parler en festival, Oddity, qui va bientôt sortir sur la plateforme Insomnia. Et je me disais qu'il faudrait vraiment lui donner plus de moyens pour faire des films, parce que ses deux premiers étaient super intéressants.


le film est disponible sur la plateforme Insomnia après avoir secoué les festivals
Oddity de Damian McCarthy

Si tu devais choisir 5 films de genre à recommander à chaque fois, lesquels ce serait ?


Alors il y a Grave, Haute Tension, Eden Lake, Martyrs et pour être plus dans le surnaturel Sinister.


C'est dans le premier long-métrage très remarqué de Julia Ducourneau que l'actrice a été révélée
Garance Marillier dans Grave de Julia Ducourneau

le film avait notamment fait sensation au Festival de Gérardmer en 2008
le terrible Matyrs de Pascal Laugier

Aurait tu des conseils à donner à celles et ceux qui voudraient se lancer dans la création de contenu ?


Commencer sans avoir d'espérances, mais parce qu'on a une passion, une envie d'en parler et de partager. Moi, j'ai commencé sans me faire d'illusions, et je me disais que même si j'avais un nombre limité d'auditeurs qui regardaient mes vidéos, ce serait déjà super. Mais il faut avoir en tête que c'est un monde très particulier où il est très facile de perdre.


Il ne faut pas partir du principe qu'un sujet va marcher, parce qu'il est tendance, il faut vraiment parler de ce qu'on aime avec intérêt.


Nous remercions Aude pour le temps qu'elle nous as accordé, ces dernières vidéos portent notamment sur Hérétic l'intéressant film d'horreur philosophique avec Hugh Grant et sur l'efficace La Maison de Cire de Jaume Collet Serra. Si vous souhaitez des recommandations de films d'horreurs à voir sur Prime Vidéo, vous trouverez aussi votre compte dans son contenu.


Vous pouvez retrouvez ses réseaux sociaux juste ici :







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