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Jouer avec le feu - Made in French

Tom Belarbi

Dernière mise à jour : il y a 18 heures

écrit par Tom Belarbi--Jean


Il est peut dire que nous vivons des chamboulements politiques, ou au moins, un clivage de plus en plus extrême auquel nous somme confrontés dans la vie politique et civil ne sont pas sans conséquences pour notre quotidien. Quelque soit notre parti de prédilection et autres idéaux, il est peut dire que les discussions et sujets d’analyse poussent à une inquiétude grandissante et des frictions vocales et physiques de plus en plus prononcées, voire violentes. C’est un sujet d’actualité que les sœurs Coulin ont décidé de prendre sous un angle politiquement engagé, même frontalement orienté bien que pas sans l’ambition de prendre par ce biais le pouls de toute une mouvance politique de plus en plus importante, et ses conséquences autant dans l’intime que le social. Comme le feu aborde la relation de plus en plus fracturée entre un père, cheminot veuf et cinquantenaire et ses fils, dont l’un est de plus en plus obnubilé et attaché à un groupe d’ultra droite dont il revendique de plus en plus les couleurs. De nombreux pièges sont évidents à la lecture d’une telle prémisse et forcément, le visionnage en devient autant excitant que chargé d’appréhension, car le sujet est chaud bouillant et son traitement plus que difficile. Qu’en est-il réellement ?




Se détourner de la situation en un plan



Une récurrence du cinéma français, en particulier quand il s’agit de sujets politiques et d’actualité, c’est leur capacité à non pas dévier du sujet de départ, mais l’étendre sous un prisme plus précis voire subtil que le simple tract politique bien engagé. Pas que Jouer avec le feu fera changer d’avis celles et ceux déjà bien positionné sur le sujet, ce (il est bon de le rappeler) premier film a cependant le talent et mérite d’assez vite enfermer les enjeux et surtout l’arène narrative qui va entourer la thématique du film. Pourtant loin de se limiter, cela permet au film de développer ses angles d’analyse et surtout d’approfondir les relations entre les personnages et l’écriture globale du film. Parce qu’encore une fois, plus que de parler d’embrigadement politique ou de violences et autres intolérances, Jouer avec le feu se positionne comme médiateur et capture les enjeux de tels sujets au sein d’une famille, en particulier au sujet d’une relation père-fils. Bien que le message final soit loin d’être ambiguë, Delphine et Muriel Coulin placent leur caméra à hauteur de leurs personnages, elles ne généralisent pas tant ce qu’elles racontent qu’elles limitent les actions des personnages face caméra pour ainsi centraliser le récit en quelques décors et situations qui amplifient par ailleurs l’intensité du film. Ce, aussi car le film se centre sur la tragédie familiale en cours, sur les fractures entre les personnages où chaque personnage avance de son côté sans se rendre compte de la catastrophe ; pour témoigner d’une mouvance politique et sociale bien réelle. Du moins, c’est ce que je peux me contenter, en terme de limpidité du récit, car si je considère Jouer avec le feu comme un film réussit, pertinent et écrit avec une pertinence autant thématique que dramaturgique, il n’en reste pas moins bardé de défauts, à commencer par, dans son scénario, son avalanche de personnages secondaires, manquant de un d’incarnation, semblant souvent poper de nul part et disparaître dans les limbes de l’intrigue, mais semblant aussi servir à de tropes nombreuses fois d’épouvantail pour les réalisatrices. C’est des personnages qui peinent à exister pour eux même, qui incarnent certaines branches des thématiques et fractures politiques mises en scène, comme lors d’une scène où le fils cadet révise avec un camarade autour d’un anal géopolitique tandis que le grand frère, le personnage positionné à l’extrême droite, parasite leur conversation par une pensée que je qualifierai poliment de fasciste. Or si un film peut se servir d’un prétexte pour lancer son récit, ici ce sont des péripéties, des scénettes et autres pans qui semblent soumis à un prétexte, et le personnage invité d’autant plus, n’apportant que trop rarement un point de vue nouveau sur la situation, il apparaît presque comme une redite et un frein, ou une bouée de secours au film pour fonctionner, au détriment d’une incarnation plus émotionnelle et sobre.



Un duel moral fraternel au cordeau


En un sens, le film est justement un peu trop fonctionnel, et bien que les sœurs Coulin ont eut l’excellente idée de réduire à l’os les fluctuations de leur scénario, elles m’ont semblé plus s’être laisser aller dans leurs personnages secondaires, qui manquent d’âme et d’incarnation. De même c’est presque à se demander si le long-métrage n’aborde en réalité vraiment pas trop de sujets à la fois, ou du moins, trop de branches et d’interrogations découlant de cette radicalisation pour paraître entièrement homogène. On ne peut cependant que soulever l’ambition des sœurs Coulin, certes à double tranchant, mais apportant néanmoins quoiqu’il en soit, une densité certaine à leur premier long-métrage. Quoiqu’il en soit le plus fort et intéressant se situe dans le trio père-fils, et en particulier le mutisme du personnage de Vincent Lindon. Les sœurs Coulin ne montrent jamais le point de vue du fils, du moins jamais directement lors de ses excursions avec ses confrères d’extrême droite, on se cantonne aux actions, et surtout à l’inaction du père. Jouer avec le feu traduit un vrai malaise social, celui de voir arriver la catastrophe, mais de ne pas savoir la contenir ou la prévenir ; quelque chose, que dans le tout dernier tiers, ce personnage de père qualifiera de son proche chef de criminel, et qui met face au spectateur la réalité que le changement d’état d’esprit ne doit pas que influer sur les personnes concernées par les mouvances extrémistes, mais aussi… justement les spectateurs et témoins de ces mouvances. Or cela permet au film d’être, non pas ambiguë mais plus nuancé et pertinent sur son sujet, il ne délivre pas tant un tract bien positionné qu’un constat, Muriel et Delphine Coulin filment avant tout un récit tragique, une quasi descente aux enfers dont on voit constamment les potentielles portes de sortie, pourtant infranchissables à cause des frictions entre les frères et leur père. Cela permet aussi à Jouer avec le feu d’éviter les clichés, ou du moins, les stéréotypes d’écriture pour avant tout créer un réel état des lieux, en décryptant minutieusement le quotidien de ses personnages, la profondeur de leur relation et les enjeux de plus en plus périlleux auquel sont confrontés les personnages, et surtout le père. Ce n’est pas tant la radicalisation du fils qui préoccupe la caméra des réalisatrices que les inactions du père, sa prise de conscience mais son manque de savoir-faire, allant de mal en pie, entre problèmes de communication et dysfonctionnements dans la cellule familiale, son incapacité à reprendre en main son fils, sans que les personnages soient diabolisé. En somme, une vraie tragédie où la catastrophe se voit venir gros comme une maison, dans un contexte ultra contemporain qui incarne tout l’intérêt de Jouer avec le feu.




Jouer avec le feu, littéralement.



S’il y a un point que je n’ai cependant toujours pas abordé, c’est la mise en scène, car un récit, aussi bien structuré que possible ne tiendra pas forcément en fonction du regard directement insufflé par la caméra ; or, s’il n’y a pas tant de moments de bravoure (au-delà de plusieurs extravagances que je citerai ci-après), il y a comme pour le reste, une rigueur formelle extrêmement appréciable. Pas de faute de goût, d’à côté ou de stylisation forcée, Jouer avec le feu incarne un certain renouveau du classicisme qui ne serait presque pas sans rappeler le cinéma d’Eastwood. Car comme chez le maître américain, tout n’est pas grandiose, mais constamment millimétré pour capter au maximum les enjeux et frictions découlant de chaque scène, une grande intelligence pour à la fois capter, malgré les nombreux dialogues du film, avec l’image les enjeux, mais aussi pour offrir la lisibilité la plus limpide et efficace possible. Malgré ses presque 2 heures, le rythme est constamment bien soutenu, jamais déplaisant, car au-delà la composition des plans, ce premier film réussit aussi à être parfaitement monté, n’hésitant pas à laisser durer ses scènes quand cela est nécessaire, pour la présentation de ses personnages, leurs actions ou réaction, mais aussi dans la narration, qui arrive toujours à garder un rythme de marathonien ; entre autre, à ne jamais s’essouffler ou rusher. Et surtout, comme pour l’écriture, la caméra de Muriel et Delphine Coulin reste toujours à hauteur de ses personnages, ne les surplombe jamais physiquement, elle ne sortent jamais de leur intimité, en particulier pour le personnage de Vincent Lindon, protagoniste et point de vue choisit par les réalisatrices. Quand ce dernier se rend dans l’usine désaffecté où se rassemblent le groupe d’ultras que côtoie son fils, on ne verra que ce qu’il est en capacité de voir, ce qu’il décide de voir, et parce qu’il n’y retournera pas, on n’en verra pas plus. Quand ce dernier engueule son fils à propos de ses 400 coups, ces derniers ne sont jamais montrés, car le film cherche à garder intact le point de vue de son personnage, afin de rendre ce dernier non pas omniscient de la situation, mais immersif, et ironiquement, bien que Jouer avec le feu soit extrêmement bavard et verbeux, il n’en reste pas moins un film de cinéma et de mise en scène, ayant compris l’intérêt du classicisme dans le déroulé de son récit. Il y a surtout, dès lors, une vraie cohérence entre l’écriture et la mise en scène, car l’aveuglement du père devient presque une ambiguïté par la mise en scène, car c’est quelque chose qu’on ne voit pas, incarnant sans aucun doute aussi en partie l’aveuglement du père. Il y a tout de même quelques extravagances et gestes des moins anodins dans Jouer avec le feu, en atteste notamment des séquences entièrement filmées au téléphone portable, mais elles apportent bien souvent, comme dans l’unique scène de flash-back, un sentiment de mélancolie, et justement, de décalage avec le reste du film, prouvant que même ce genre de petits détails est pensé, et ce, admirablement.



"Papa vous aime, même si vous êtes fasciste"


Pour autant, le classicisme de Jouer avec le feu n’a pas ça comme seul atout, cela permet aussi aux comédiens de s’exprimer plus largement et librement, et dans ce cas précis, de devenir la principale qualité du long-métrage. Je ne fait pas partit des spectateurs particulièrement attaché à la performance des comédiens, souvent car il s’agit justement d’une performance, qui tronquent la sincérité et subtilité pour une démarche presque mégalomane, comme si le comédien voulait nous prouver tout l’étendue de son talent. Pour autant la coupe volpi du meilleur acteur décerné à Vincent Lindon me paraît incroyablement mérité, acteur déjà bardé de talent et au charisme presque légendaire, mais tout de même souvent trop le centre de l’attention. Il fait partit de ces acteurs qui peuvent éclipser tout au profit de leur présence, souvent car ses rôles lui tiennent à cœur et qu’il cherche à les défendre le plus possible. Or dans Jouer avec le feu, deux choses viennent offrir une certaine homogénéité dans sa présence à l’écran, et surtout une friction inattendue et toute aussi passionnante que celle présente à l’écriture. Déjà, car bien que de son aveu (sur scène lors de mon avant-première), il était extrêmement touché et conquis par le scripte et les enjeux autant esthétiques que sociaux présentés par les metteuses en scène, mais il réussit à rester non pas en retrait mais en accord avec l’état d’esprit de son personnage. Surtout, car de son aveu toujours, il a appris, et même beaucoup, non pas des réalisatrices, mais de ses camarades de jeu, Stefan Crepon certes, à la performance plus que solide bien qu’au final assez secondaire face à celui qui incarne son frère, Benjamin Voisin, un des jeunes acteurs les plus prometteurs depuis belle lurette, et qui prouve une bonne fois pour toute l’immensité de son talent. Déjà pour son alchimie, avec son frère comme son père, le film évite définitivement le cliché et la dramatisation soap pour des relations familiales authentiques, bien que franches et incarnant un dysfonctionnement interne de plus en plus pesant. Mais ce qui est fort dans son jeu, c’est que ce dernier ne fait pas que crever l’écran, il vole la vedette à Vincent Lindon, il parvient à totalement éclipser le talent du comédien par son propre charisme totalement indéniable. Son personnage est dur, fort et violent, autant moralement que physiquement, et il le retranscrit admirablement, par ça, car il a comme Lindon le plein pouvoir sur l’image, il maîtrise parfaitement les enjeux et surtout leur âpreté ; ce qui apporte encore de l’authenticité au récit, et surtout une vraie force et puissance émotionnelle au film en lui-même.




Jouer avec le feu n’est pas le film le plus singulier dans sa mise en scène et homogène dans son écriture, mais il parvient à être un drame familial glaçant, par l’immense talent de ses comédiens, maître d’une tragédie politique et sociale où ils s’expriment avec une hargne sans faille par le biais d’une mise en scène classique mais très intelligemment construite et agencée ; pour un état des lieux plus qu’urgent.


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