top of page

Toutes pour une - Vaincre sans vomir

Tom Belarbi

écrit par Tom Belarbi--Jean

Vous le sentez le naufrage arriver...


L’intention, aussi bonne soit elle, n’a jamais fait la qualité d’un film. J’aime toujours autant sodomiser par écrit le cynisme de certaines productions maquillant plus ou moins mal leurs objectifs pécuniaire, de popularité de surface au profit du portefeuille des personnes derrière. Or avec la montagne de films que je vois chaque année, évidemment, toutes les daubes ne sont pas issues de productions hollywoodiennes lisses et sans âme, car il faut dire que 95 % du temps, la formule est si bien rodé qu’on se laisse presque prendre au jeu, en dépit de certains cancres issus du Sony Spider-verse, toujours capable de surprendre dans le pire du pire. Justement se retrouve toujours en bas de mes flops, pas que pour la parité, des films d’auteur rincés, des tentatives ratées ou tout simplement des projets plus ou moins bancals qui multiplient les mauvais points parfois jusqu’à l’indigence. Car il ne faut pas croire que vision d’auteur, ou dans le cas présent, d’autrice, est forcément signe d’œuvre de qualité, les moins au fait de la production française diront même que c’est monnaie courante, bien que notre écosystème cinématographique soit plus que varié et en moyenne, bien plus soigné que la moyenne des autres pays du monde. Le fait est qu’à l’annonce du projet de Toutes pour une, j’étais intrigué, parce qu’une énième adaptation des Trois mousquetaire, avec cette mode un peu nulle (que je pensais éteinte) de changer les genres des personnages (fameux grand remplacement), ça m’en touche une sans faire bouger l’autre ; mais, avoir Houda Bennyamina, réalisatrice du formidable Divines, ça me bottait, ça m’excitait même. Autant vous dire que la vue des premières images a été un niveau de débandade rare, car comme je l’ai exprimé plus tôt, c’était moche, ça semblait très, trop poussif, voire indigent. Un machin tout juste digne de figurer au line-up d’Amazon Prime, tant la laideur et lourdeur de l’ensemble semblait lunaire. Cela n’a pas raté, le bashing (encore en cours) n’a pas aidé à me faire une bonne opinion de cette chose, mais il se pourrait bien, que derrière le ratage il y ait des réussites, voire même des choses plus intéressantes et pertinentes à décrire qu’un simple « go woke go broke ».

.

.

Vais-je tirer sur l'ambulance ?

.

.

Encore une fois je préfère vous remettre dans mon contexte de visionnage (dû à la présence de la réalisatrice sans quoi j’aurai tant bien que mal esquivé ce machin), j’avais peur, genre vraiment, et j’y croyais presque autant qu’en partant découvrir le non moins admirable Arthur Malédiction. Et… je dois avouer être sortit presque surpris, en bien, même si pour nuancer, j’étais encore une fois partit avec des a priori plus qu’élevés, et ce n’est pas les premiers plans qui m’ont pour autant rassuré. Comme dans la bande annonce, Toutes pour une débute par un filtre N&B absolument immonde dont je peine encore à comprendre l’intérêt si ce n’est surligner le changement de ton et d’implication du personnage principal (incarné par Oulaya Amamra) quand à sa rencontre avec Les Trois Mousquetaires. Au-delà de tout critère technique c’est juste pas beau, et clairement pas pensé sur le plateau (ou alors fallait virer le chef op à ce stade) pour donne un rendu un tant soit peu acceptable, comme ce premier plan de danse semblant sortir d’une mauvaise pub pour parfum. S’ensuit ensuite une scène d’action pas des plus vendeuses, à cause d’un problème simple mais symptomatique de ces films du genre au budget resserré, la lisibilité des scènes d’action. Toutes pour une met en évidence deux problématiques mal encadrées par la réalisatrice, tout d’abord la tricherie, car il est évident qu’avec un budget de 10 millions, on ne peut pas se permettre une foule de figurant et des chorégraphies ultra ambitieuses, donc les combats sont plutôt des duels ou les personnages s’affrontent un par un comme dans un j-rpg, ça se voit et ça enlève beaucoup trop à l’intensité de ces scènes. Le second problème, il est plus récurrent mais pas absent, c’est le montage, car je peux tout pardonner tant que la lisibilité suit, et bien que ça tend à parfois s’améliorer, Toutes pour une reste à mon sens très mal monté, juste car l’action est souvent confuse, dans un dynamise constant ne faisant que souligner la pauvreté de certaines scènes qui avaient le cul entre du spectaculaire épique et un resserrement de l’ampleur de ces scènes obligeant la réalisatrice à se tourner vers des alternatives plus ou moins abouties. C’est un manque de compromis que j’ai l’impression de constamment voir à l’écran, et qui donne au film un côté très « aléatoire ». Le climax est par exemple, surprenamment bien tenu et tendu, avec une énergie folle procurée par le quatuor, criant à pleins poumons dans un geste certes pas des plus subtil, voire hystérique, mais clairement à propos et des plus efficace. Mais quoiqu’il en soit je peine à vraiment trouver un juste milieu même dans le style que le film recherche, chaque scène dénote de la précédente, car elle semble issue d’un autre film en terme de style et de tonalité, par exemple une des bonnes scènes du genre en est une de fusillade, où les personnages tirent sur des mercenaires de très loin, comme des snipers, avant de s’enfuir ; qu’est-ce que ça fout dans un film de cape et d’épée ? La scène marche, mais je peine vraiment à voir autre chose qu’un kiff de la réal, et même si ça n’est pas entièrement gênant tant que la mise en scène tient (ce qui est ici un peu plus le cas) de même pour le rythme, mais en y repensant, c’est le genre de détail qui me fait tiquer. Et d’ailleurs en terme de kiff, il faut dire qu’Houda Benyamina ne s’est pas privée, son film est un véritable mash-up de références, dans un esprit proche de celui d’un Tarantino, et cela peut faire sens, quand son film tente de remettre sur le devant un genre peu représenté dans le cinéma d’aventure et de cap et d’épée, mais dans la continuité du film, ça fait toc. Ces zooms bien prononcés semblent sortir du pire des Guy Ritchie, ça ne fonctionne pas, tout comme ce plan-séquence d’action au dernier tiers, qu’on dirait venu des rushs abandonnés de la duologie de Bourboulon ; le film semble par instants ne vivre que pour ces gimmicks, d’une lourdeur parfois aberrante.

.

Profitez, dans une seconde ça va couper.

.

Bon, autant vous dire que le film a donc des idées, mais peine à les mélanger à bon escient, et c’est là que la bonne surprise de départ fait muter mon appréciation pour Toutes pour une en déception : j’ai senti l’intérêt et potentiel du projet. En fait le problème du trailer c’est qu’il ne ressemble à rien, ou plutôt à tout, tout et n’importe quoi avec une odeur de javel typique des productions peu chère, lissées jusqu’à la moelle, comme on en retrouve régulièrement en SVOD. Et si le film ressemble un peu trop à tout, il réussit quand même à tirer profit de son manque de moyens, là où Bourboulon se complaisant dans une esthétique vulgaire, au mieux marrant, au pire navrante, Houda Benyamina cherche plus de simplicité et un quasi retour aux sources de ce qu’est le film d’aventure et de cape et d’épée. Des scènes en pleine campagne française, dans la forêt, avec une lumière quasi exclusivement naturelle et un grain, certes ici numérique, mais présent. Alors clairement cela rend compréhensible (bien que pas non plus excusable) le lisse parfois vraiment pauvre de l’image, mais la réalisation compense à de nombreux moments, les faisceaux de lumière bien placés, une composition presque léchée, un choix d’assumer le grain et de s’en servir pour offrir une texture palpable à l’image accompagné de jeux de focale pas toujours aboutis mais offrant au moins une pattine au film. Et là les efforts ont une cohérence bien plus plaisante, elles représentent un vrai artisanat, une vraie envie de cinéma qui dépasse le banal téléfilm netflix que promettait les premières images. Une scène de dîner entièrement éclairée à la bougie notamment montre une envie de proposer des instants de vie plus simples mais important quand à l’empathie des personnages, dans un écrin formel assez chatoyant. C’est un détail pour beaucoup, mais ça incarne la bonne foi de la réalisatrice, et quoiqu’il en soit une qualité de son long-métrage, détournant mais assumant les codes qui ont fait le succès des Trois Mousquetaires avec un manque de moyens flagrant mais un désir de faire cinéma, de créer de la mise en scène pas des plus profonde, mais avec le maximum de panache possible. Il y a de l’ambition dans Toutes pour une, et si cette ambition seule ne réussit pas à sauver le métrage, elle permet d’insuffler un peu de vie et de souffle épique à plusieurs séquences qui changent presque la donne. L’utilisation de la musique, entièrement originale, n’est encore une fois aucunement subtile, et parfois un peu trop envahissante, mais accompagne et amplifie l’intensité de certaines scènes de combat et d’action, donnant un tant soit peu de vie au projet. Il y a même une envie de retrouver les codes des VIEUX films d’aventure, comme lors du plan final cherchant l’iconique dans un plan fixe jusqu’à une scène de chute avec un défilement en arrière plan qui ne serait pas sans rappeler le générique d’Un éléphant ça trompe énormément, entre autre. Une esthétique certes datée, et définitivement que peu compatible avec le numérique et même d’autres fantaisies de la réalisatrice, de ces effets de caméra, zooms ou noir et blanc, mais qui offrent encore une fois une certaine inventivité, ou du moins, des tentatives offrant autre chose que la platitude promis au départ. Houda Benyamina fonce, malgré le manque de budget ou de bon sens, pour un résultat tout aussi aléatoire mais par moments carrément plaisant ; quoiqu’à contrecœur, car on se dit que quitte à aller dans le mauvais goût, ou le délire, (le fameux kiff), la metteuse en scène aurait pu aller plus loin qu’un bel artisanat, en allant encore plus chercher vers une esthétique sale et punk, comme lors d’une scène dans un bordel, plutôt étonnement cru, que d’éternellement reciter les gimmicks de ses prédécesseurs.

.

.

Plan plus beau que 95% de ceux de la duologie de Bourboulon nonobstant.

.

.

Si on sent les initiatives prises par la metteuse en scène et surtout son ambition, les réussites ne restent pas si monnaie courante et amplifient à bien des égards la déception et le potentiel gâché que représente Toutes pour une. Car bien que je souhaite mettre en avant les points positifs, je me doit de rester franc, et l’ambition d’Houda Benyamina ne se corrèle ici pas tant avec son talent d’écriture (qu’elle partage avec Juliette Sales, pas la pire dans le genre, mais elle aurait tout de même en partie commis Les aventures de Spirou et Fantasio), qui est le principal point d’intérêt, mais aussi malheureusement de ratage vis-à-vis de Toutes pour une. Ça commence avec la note d’intention du film, celle-ci n’est, des dires de la metteuse en scène, pas d’insuffler la propagande woke dans les oreilles des petits et grands, mais de réaliser un film d’aventure et de cape et d’épée pour les jeunes d’aujourd’hui, faire un film qui fasse rêver et profiter une jeunesse contemporaine, baignée dans des thématiques telle que l’émancipation féminine. Et à ce niveau, des fois cela passe, mais souvent ça casse, et même beaucoup. Car le film se révèle en réalité très pauvre dans son scénario pur et dur, c’est une quête, avec un point A à un point B à respecter, permettant de remplir l’intrigue de péripéties pour montrer la force de caractère des héroïnes du long-métrage. Entre l’humiliation (et suppression comme ça c’est pratique) d’un groupe de pervers, l’entraînement du personnage d’Oulaya Amamra ou la confection de son déguisement, toutes les conventions y passent, et les attendus en prime. Et le problème c’est que ça sert tellement le scénario, l’histoire et surtout le propos, ça l’appuie si fort, que le tout perd en saveur, et donne l’impression d’avoir vu un tel résultat mille fois. Cela n’enlève pas au charme de certaines séquences, mais globalement, l’intérêt narratif de Toutes pour une ressort à partir du moment où la réalisatrice s’extraie de sa quête de base, quand à l’après, et le destin de ses héroïnes. L’intérêt est que la metteuse en scène aborde d’autres sujets, toujours pas des plus subtiles, mais avec une affection doublée, plus de gravité et des enjeux plus forts qu’une simple chasse aux mercenaires. C’est d’ailleurs une erreur d’écriture ultra grossière, le film ne caractérisant l’antagoniste que sous un nom dont on n’aura que trop tardivement le visage, et des « mercenaires », qu’on pourrait traduire par « groupe d’individus osef n°386 », ce qui n’aide pas à rendre un tant soit peu vivant les enjeux. Pour autant on doit quand même se coltiner ces deux premiers tiers, étirés à l’excès, permettant d’une certaine manière de créer de l’empathie avec les personnages, de les connaître et les apprécier, mais d’une manière si machinale que cela n’en devient pas pour autant réussit ; d’autant que comme dans le roman et quasi toutes les adaptations, Athos et Aramis se confondent plus qu’ils se complètent . Il y a plusieurs envolées, des moments où le film se pose comme lors de l’altercation d’un carrosse, et l’humiliation de Porthos envers un jeune duc bien embourgeoisé qu’elle force à pleurer. C’est drôle, pas fin et même grossier (jusqu’au gros plans que n’aurait pas renié Jeunet) mais ça dénote du reste, et cette fois pour le mieux du film, qui assume ce mauvais goût et exubérance pour un plaisir peut-être coupable, mais bien plus efficace et efficient.

.

"Cry baby"

.

Dans les éléments plus qu’intéressants autour de Toutes pour une, il y a son caractère d’adaptation, car si Houda Benyamina reprend les codes inhérents au récit de cape et d’épée, et le nom des personnages phares de l’œuvre de Dumas comme Richelieu, elle s’émancipe totalement de l’histoire de base, au point où le film final n’a presque rien à voir. Le film commence par ailleurs non pas par un « adapté de l’œuvre de Dumas », mais comme « une histoire qui aurait inspiré Dumas », évidemment comme un pic au manque de représentations féminine de l’époque, mais aussi à n’en point douter, un parti pris assumé, qui est de ne pas calquer l’intrigue originelle. Par exemple toute l’action du film est transportée dans le sud, avec un détour par l’espagne, et par ce biais, de la culture ibérique représentée par le personnage d’Oulaya Amamra. Ainsi enfin autre chose que l’histoire des ferrets de la reine et des guerres de religion, la metteuse en scène s’intéresse à d’autres sujets, et cela passe aussi par son ton, se voulant plus grinçant, crade même ou du moins, bien moins lisse que le reste des adaptations de Dumas. Évidemment je passe toutes les blagues et références à l’émancipation féminine et autres violences masculines, car au-delà de faire un portrait un peu misandre et surtout très, trop manichéen de la société qu’elle met en scène, la réalisatrice change le destin et l’origine de ses personnages. Elle en fait des héroïnes d’un jour, se faisant leur propre justice à l’improviste, cherchant la puissance et assurance du masculin avec autant de tragique que de comique ; de panache que de débauche, allant jusqu’à s’intercaler entre les jambes un faux pénis pour « se sentir à l’aise » ; jusqu’à filmer la belle affaire entre Richelieu et sa promise. Tout ça pour dire qu’on est loin d’un décalque bête et méchant, et surtout d’un changement de genre insensé, car ce dernier reconfigure totalement le récit au contraire d’un Ocean’s 8 ; même s’il manque clairement d’aboutissement, le changement de genre des mousquetaires fait sens et sert un propos un tant soit peu constructif bien que mal branlé. Parce qu’encore une fois, le développement est franchement lacunaire, et pas qu’un peu, Toutes pour une reste très inabouti, la caractérisation générale est grossière en particulier dans le développement de son ton, et même de sa logique d’adaptation. Car même si la metteuse en scène s’éloigne de l’histoire pure et dure des Trois mousquetaires, elle suit une ligne et des points de rupture tout tracés qui donnent parfois moins d’ampleur à de nombreuses libertés au profit d’un récit d’aventure ultra classique. Le tout n’est pas aidé par le casting, et j’ai beau adorer Oulaya Amamra, elle et le reste des actrices sont en roue libre totale, alors comme la réalisatrice, elles semblent bien kiffer leur moment, mais chacune d’entre elle semble jouer dans un film différent, avec des archétypes de personnage associés, ce qui n’aide pas tant pour l’empathie qu’apporter un regard authentique et plausible à l’ensemble. Toutes pour une c’est aussi des dialogues grossiers, qui ne fonctionnent pas, et ne font que surligner la caractérisation déjà bien caricaturale des personnages, il y a un manque de maîtrise bien plus flagrante de ce côté, qui n’est pas sans offrir de beaux moments, mais qui reste ultra lacunaire. Car mine de rien, le parcours de ces femmes m’a ému, la tournure purement tragique du dernier tiers en prime, car un choix est vraiment fait par la réalisatrice, sans compromis gênant ou de cul entre deux chaises, l’amour qu’elle a pour ses personnages se ressent et extirpe des abîmes de la médiocrité le long-métrage pour offrir un parcours de femme convenu mais plus grave et cruel qu’escompté.



Toutes pour une est disponible en salle depuis ce mercredi


Oui clairement, Toutes pour une sentait le naufrage et le résultat final confirme un ratage, cependant, on est bien loin du cynisme pathétique auquel on pouvait relier le long-métrage. Bien que cela ne sauve pas l’ensemble, Houda Benyamina reste une réalisatrice force de propositions plastique, dans une tonalité juvénile et un désir d’aventure rappelant autant que possible les grands classiques d’antan, sans pour autant ni les égaler, ni les compléter au vu de la fragilité béante de l’ensemble. Pourtant, m’est avis que si le film n’avait pas cette facture « féministe », personne n’en n’aurait rien à carrer, car le fait est que Toutes pour une est un divertissement passablement inoffensif, rien de plus ni de moins ; et tant pis si je dois encore supporter les jérémiades de certains, mais c’est aussi la preuve que les femmes doivent faire plus que les autres pour ne pas être emmerdé.

Posts récents

Voir tout

コメント


Post: Blog2_Post
bottom of page