top of page

Lire Lolita à Téhéran- Critique et entretien avec Eran Riklis

Eran Riklis livre un drame aussi intense que divertissement
Godshifteh Farahani et son groupe d'étudiants dans Lire Lolita à Téhéran

" Ce sera au public de décider si c'est mon film le plus important et quel portée il aura "


Il y a quelques jours, nous avons eu l'occasion de poser quelques questions à Eran Riklis, le réalisateur de Lire Lolita à Téhéran, le film coup de poing de ce mois-ci, dans lequel Golshifteh Farahani incarne une professeure d'université qui va s'opposer au régime islamique en faisant étudier à sept étudiantes des classiques de la littérature.


Après Le Dossier Mona Lina, et Spider In The Web (pour ne citer qu'eux), Eran Riklis propose un film sur les oppressions et la dictature, basé sur le roman de Azar Nafisi.


Le Dossier Mona Lina avec déjà Godshifteh  Farahani
Le Dossier Mona Lina (2017)

Un drame sociétal, du féminisme et des textes remis au goût du jour, finalement rien que le titre et le postulat de départ suffiraient à nous mettre la puce à l'oreille sur ce que défend Riklis dans son film. L'auteur de Mon Fils et La Fiancée Syrienne livre un film choc, moral et complètement ancré dans l'actualité géopolitique. Un film inspirant, comme intense, porté par l'évident choix Golshifteh Farahani selon Riklis.


 "d'abord c'est le nom de Angelina Jolie qui a été évoqué, mais j'ai insisté pour que tout le casting sois iranien, c'était très important pour moi! Pour moi Golshifteh était un bon choix et un choix évident, c'est la numéro 1 en dehors de l'Iran "


Et à l'écran c'est effectivement un profil fait pour un personnage aussi intéressant et travaillé, une professeure nommé Azar (Nafisi donc) qui va s'opposer à la dictature du pays rien qu'avec les valeurs prônées dans les livres qu'elle possède et propose à ses étudiants.


De Lolita (évidemment) à Gatsby le Magnifique, les plus grands textes du siècle précédent sont passés au peigne fin, décortiqués et ressuscités à la voix et à la force de ses sept femmes dévoués à la connaissance.


Par ailleurs, le film rappelle aussi le Cercle des Poètes Disparus de Peter Weir dans lequel un groupe d'étudiants motivé par l'enseignement de leur professeur, joué par Robin Williams, se réunit secrètement pour lire ensemble d'anciens poètes.


Robin Williams joue le professeur Keating qui déroge aux règles de l'enseignement primaire pour user de d'autres méthodes particulières mais plus inspirantes
Robin Williams dans le film de Peter Weir
Godshifteh Farahani incarne Azar Nafisi une professeure d'université qui use de la littérature pour se révolter contre l'oppression
Godshifteh Farahani dans le film de Eran Riklis

Quand nous lui demandons si l'écho au film de 1989 est volontaire ou non, Riklis rappelle avant tout qu'il s'est, dans un premier temps, basé sur le roman de Azar Nafisi.


"Je ne sais pas, j'ai surtout travaillé sur le roman de Azar Nafisi, mais j'ai un souvenir très marquant d'un livre que j'ai découvert du temps où je vivais au Brésil avec mon père, Vol Au Dessus d'un Nid de Coucou qui sera ensuite adapté en film avec Jack Nicholson, mais moi je l'ai découvert avant son adaptation et ça a complètement changé ma façon de voir les choses sur les deux supports"


Pour ce qui est de l'impact de son film dans la société actuelle et de son importance, et même de ses précédents films, il répond


"Je ne souhaite pas distinguer mes films de ce que j'ai fait précédemment et j'espère continuer à en faire autant que possible, mais j'espère aussi que le public répondra présent et que l'importance qui en découle ne freine personne. Mais je laisse le public en décider"


Par ailleurs Riklis nous explique aussi quel a été sa façon de travailler sur le scénario et sur le montage, en rappelant les enjeux présents tout du long du processus


"J'ai toujours dû jongler entre mon cinéma et la base du projet, à savoir ma relation avec l'autrice du film. Je me suis replongé dans les livres qui sont mentionnés dans le film (Orgueil et Préjugés et Lolita) et il y a une anecdote très intéressante avec le monteur du film. Il ne connaissait pas l'histoire de Lolita, et ça m'a fait réaliser qu'il fallait à la fois nous adresser à un public qui ne connaissait pas les œuvres évoquées, mais aussi ne pas perdre ceux qui les connaissaient. Donc il fallait jongler entre ces deux publics là, ceux qui ont maîtrise de la littérature et ceux qui ne vont voir que des divertissements comme des Marvel par exemple "


La question suivante porte sur les livres que lui même a préféré et comment il a travaillé dessus avec ses actrices


"Il y a une scène de danse, qui d'ailleurs est aussi présente dans Orgueil et Préjugés, et Gatsby le Magnifique est aussi une référence importante pour la question, puisqu'il y a une scène dans le film qui est beaucoup revenue dans les conversations que j'ai eues avec mes actrices. Je voulais vraiment m'intéresser à cette scène en particulier où ce sont des hommes, des islamistes qui pendant le cours n'apprécient pas d'étudier Gatsby le Magnifique, mais ces hommes sommes toutes lambdas ont la curiosité intellectuelle et font la démarche de s'inscrire à un cours de littérature. Et selon moi, la situation de cette scène est complexe, elle est admirable parce que ça démontre l'envie d'apprendre la littérature, parce qu'il y a une envie politique d'être contre ce qu'on a envie d'apprendre"


Quand nous le questionnons ensuite sur son lien avec le Lolita de Stanley Kubrick, sa réponse est brève mais claire


"Oh, J'adore le film de Kubrick "


Il nous éclaire ensuite sur la façon dont il pourrait convaincre un spectateur qui ne le connait pas d'aller voir son film , en rassurant au passage ceux qui pourraient penser que ça n'a rien d'un divertissement


"C'est un film sur les relations hommes-femmes, c'est un film sur les relations toxiques, oppressées, sur les femmes, c'est un film complet, rempli d'énormément de thématiques.

Mais il fallait aussi que ça reste divertissant, même s'il y a des passages durs et touchants, il fallait que ça reste un film léger mais qui donne aussi l'occasion de réfléchir.

Un divertissement construit pour provoquer un déclic intellectuel, ce sont mes arguments pour convaincre les gens d'aller le voir.

Par ailleurs, rien que le titre pourrait donner l'impression qu'il s'agit d'un film plombant, alors que pas du tout, c'est un film très riche qui dépasse le sujet de la littérature et qui englobe plein de sujets de notre époque"


Il parle ensuite d'une règle qu'il s'est imposé sur les films qu'il regarde, et de ce qui l'inspire pour réaliser des films


"Alors selon moi, et c'est une règle primordiale, c'est que même si un film est mauvais, il y a toujours quelque chose de bien dedans, ça peut être juste un plan, mais c'est ma règle ! Ensuite, pour parler d'inspirations, beaucoup de cinéma iranien, et je me souviens que la directrice de la photographie m'a fait la réflexion un jour qu'elle avait l'impression de filmer du cinéma japonais. Mais mon inspiration première finalement, c'est la vie. J'ai aussi vécu aux États-Unis, donc à ce moment-là j'ai aussi découvert le cinéma de Clint Eastwood, et puis il y a les éléments de la vie, avec l'assassinat de Kennedy que j'avais découvert à la télévision quand j'avais 9 ans et ça m'avait beaucoup marqué. Donc la vie est ma principale source d'inspiration, il y a aussi le cinéma iranien, mais la vie principalement "


Pour la dernière question nous l'interrogeons ensuite sur sa possibilité de travailler à nouveau avec Golshifteh Farahani (après ce film et le Dossier Mona Lina )qui semble parfaitement correspondre à son identité cinématographique et aux thématiques qu'il met en avant


"Quand nous avons fait un brainstorming avec Azar Nafasi, l'auteur du livre, je lui demandais s'il voyait quelqu'un pour jouer son propre rôle. D'abord, c'est le nom d'Angelina Jolie qui a été évoqué, mais j'ai insisté pour que tout le casting soit iranien, c'était très important pour moi! Pour moi Golshifteh était un bon choix et un choix évident, c'est la numéro 1 en dehors de l'Iran. Et pour ce rôle d'une professeure, il me semblait que c'était aussi le bon choix pour pousser vers le haut les autres actrices plus jeunes, à l'instar peut-être de Zar (Amir Ebrahimi NDLR qui joue Sanaz) qui a déjà une carrière plus importante, mais pour les autres qui voient Golshiteh comme un modèle, ça donnait une bonne énergie pour tout le groupe.

Donc c'était vraiment le meilleur choix possible ! C'est la première fois qu'elle joue en langue farsi depuis son exil, visiblement ça n'a pas été une évidence pour elle, nous en avons beaucoup discuté, et elle est aujourd'hui très heureuse d'avoir pu jouer en farsi. Mais pour le moment pas de troisième collaboration prévue "


Nous remercions Eran Riklis pour son temps et ses réponses pertinentes, et discutons brièvement de son film que nous avons adoré.

Lire Lolita à Téhéran a la possibilité de plaire à chacun et nous vous le recommandons vivement !



En salles dès ce Mercredi


Voir la bande-annonce










Comments


Post: Blog2_Post

© 2024 / L U M I È R E

bottom of page