Pris au Piège-Requiem d'un virtuose
- Thibault Jeanroy

 - 14 sept.
 - 3 min de lecture
 

REQUIEM D'UN VIRTUOSE
On ne le connaissait pas aussi enjaillé ni outrancier, mais il faut croire que chaque cinéaste apprécie de faire son film récréatif de temps à autre.
Darren Aronofsky surprend avec le sien, lui qui s'est révélé par sa capacité à filmer l’humain en totale décadence, dans sa pleine vulnérabilité, et c'est justement ça qui fait le sel de son cinéma.
Si Requiem for a Dream et Black Swan ont autant marqué, c'est en grande partie grâce à la chute psychologique de leurs personnages, et à la torture qu’ils s’infligent, soit par addiction, soit par devoir professionnel. Et c’est ainsi qu’Aronofsky s’est imposé comme l’un des piliers du body-horror contemporain.

Cependant, avec The Whale et désormais ce nouveau long-métrage, le réalisateur semble aller ailleurs sans pour autant délaisser ses thèmes de prédilection. Pris au piège se situe donc à une certaine distance de ses débuts, tout en restant violent, triste et palpitant. Des adjectifs qui ont toujours bien collé aux scénarios d’Aronofsky.
DANS LA LIGNÉE DE SCORSESE ?
Le film est très ancré dans le New York des années 80, un New York comme l’a si souvent filmé un certain Martin Scorsese, notamment avec After Hours sorti en 1985 (les plus observateurs auront noté la présence de Griffin Dunne, patron du bar où se rend notre héros), mais aussi dans Taxi Driver ou Mean Streets. On peut également penser à Good Time des frères Safdie, qui ont eux aussi filmé la Grosse Pomme différemment, montrant une métropole abîmée et des protagonistes à l’agonie.

Pris au piège est un énorme roller-coaster, capable de nous amuser autant que de nous émouvoir. Austin Butler incarne une victime malgré lui, contrainte d’affronter une série d’épreuves et de dilemmes pour se sortir de cette situation. Un divertissement qui conserve la signature de son réalisateur : montrer des protagonistes endoloris, victimes de la vie et de leurs erreurs.
Ici, Butler interprète une ancienne gloire du basketball, mais un grave accident de voiture – qui lui a causé de lourdes séquelles physiques et coûté la vie d’un ami – a replongé son existence sur une pente fragile. De nombreuses scènes illustrent l’éternel cliché de l’alcoolique prisonnier de son passé.
Oui, tout cela fait très scorsesien, car il est aussi question de mafieux, thème pour lequel le réalisateur de Killers of the Flower Moon est très reconnu. Mais Aronofsky use largement du second degré pour éviter une ressemblance trop frappante. Il s’agit ici d’un prétexte pour s’amuser et se détacher de la gravité à laquelle il nous avait habitués.
SIMPLE DIVERTISSEMENT GÉNÉREUX OU VRAI FILM DE GANGSTER ?
Si auparavant Aronofsky n’était pas le plus adepte du divertissement, Pris au piège s’inscrit dans le registre du long-métrage ultra-divertissant, sans véritable cœur émotionnel (cela dépendra de ce qui vous touche le plus), ce qui ne manquait pas dans ses précédentes œuvres, de la plus mineure (Pi ou The Whale) à la plus grande (Requiem for a Dream, Mother!, The Wrestler).

Néanmoins, si l’auteur ne signe pas son film le plus marquant, il livre une œuvre très satisfaisante, pleine de ressources, bien écrite, et solidement portée par un casting impliqué et amusant (Austin Butler et Matt Smith en tête).
Donc non, ce n’est pas qu’un simple divertissement. Darren Aronofsky reste un pilier du cinéma contemporain et, malgré un script différent de ses habitudes, il s’ancre avec un angle nouveau et une construction plus rythmée, dans la continuité de ce qu’il a déjà proposé.
C’est simplement moins percutant, et plus amusant. Ce qui n’est pas une mauvaise chose.
DU PUR DIVERTISSEMENT À L’ANCIENNE
Pris au piège en est la preuve : un metteur en scène, plus connu pour explorer la destruction intérieure et la dépendance, peut aussi exceller dans le divertissement à la sauce 90’s, en filmant le New York de sa jeunesse à un rythme effréné.
Le film est toujours disponible dans les salles
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